Jean-Paul Daoust : Passer de l'ombre à la lumière
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Jean-Paul Daoust : Passer de l’ombre à la lumière

Jean-Paul Daoust est le récipiendaire du Grand Prix Quebecor du Festival international de la poésie de Trois-Rivières. Cerise sur le sundae d’une année formidable, qui tranche avec sa récente traversée du désert.

"Jamais j’aurais cru recevoir des prix avec ça, c’est tellement un livre à part dans ma démarche…" C’est ainsi que Jean-Paul Daoust réagit au succès de son plus récent recueil, et il serait bien mal le connaître d’y voir de la fausse modestie. "J’ai proposé Le Vitrail brisé aux Écrits des Forges au printemps, comme ça, conscient que c’était un peu spécial. Pour la première fois, c’était un geste d’abord altruiste. Je me disais: tellement de gens passent par là, la douleur insoutenable, maintenant que je sais ce que c’est, je vais en parler."

La douleur au coeur du livre, c’est celle qui a suivi la chute du poète dans un escalier de béton, le 31 août 2007, chute qui a bien failli lui être fatale. En couverture, d’ailleurs, on trouve l’authentique radiographie de son cou brisé. "C’est cette image qui m’a donné l’idée du titre. Ça me fait penser à un vitrail, ce côté translucide. Puis le vitrail, ça évoque la fragilité, les morceaux qui ont de la valeur une fois qu’ils sont assemblés. Un vitrail, surtout, n’a aucun intérêt vu de l’extérieur, il faut entrer dans l’obscurité pour qu’il dévoile ses couleurs."

Ici, l’inclassable saltimbanque, l’oiseau de nuit de la poésie québécoise, devient plus grave. "Les mots ont été comme des lucioles dans le noir, ils m’ont aidé à nommer, à apprivoiser la douleur. Cette douleur qui amène une solitude épouvantable." Or Le Vitrail brisé n’est évidemment pas que le cri de celui qui a mal, le constat d’un corps abîmé. Quand "mendier l’air devient un vulgaire labeur", la souffrance plonge l’homme en lui-même, lui révèle ce qu’il ne voyait plus. Il ne faut donc pas s’étonner de ces passages contemplatifs, ludiques même, les pages épousant peu à peu le spasme complet de la douleur, qui atteint son paroxysme pour ensuite retomber, offrant une halte. "Pour moi, poursuit-il, c’est une forme de pendant aux Cendres bleues [1990, Prix du Gouverneur général]. Dans ce livre-là, tout tournait autour d’une blessure psychique liée à l’enfance, alors qu’aujourd’hui la blessure est physique. Dans les deux cas, il y a la même nécessité de passer à travers."

Passer à travers, Jean-Paul Daoust l’a fait. Et le moins qu’on puisse dire est que ça en valait l’effort. Au printemps, les hommes de théâtre Marcel Pomerlo et André Perrier lui consacraient un très inspiré spectacle intitulé My Name Is Jean-Paul, présenté au Théâtre d’Aujourd’hui à Montréal, aujourd’hui lui tombe entre les mains la plus haute récompense du FIPTR, et juste après le Festival, le poète s’envolera vers la France pour une résidence de trois mois dans la maison où Rimbaud a écrit Une saison en enfer… "Ouin, j’ai repris du poil de la bête, mettons. Pis je vais te dire, j’ai bien l’intention d’en profiter!"

Le Vitrail brisé
de Jean-Paul Daoust
Écrits des Forges, 2009, 68 p.

Le Vitrail brisé
Le Vitrail brisé
Jean-Paul Daoust
Écrits des Forges