Myriam Roy et Lynn Johnston : Traits féminins
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Myriam Roy et Lynn Johnston : Traits féminins

Deux femmes habiles de leur crayon abordent les enjeux de leur métier à forte prédominance masculine par l’entremise d’un interrogatoire parallèle et comparé.

La première. Une jeune recrue. Une artiste de la relève initiée très jeune à l’art du dessin dans sa Beauce natale par son grand-père maternel. Fraîchement diplômée du programme de bande dessinée de l’UQO, Myriam Roy fait ses premières armes dans un métier en pleine expansion au Québec. Elle présentera dans le cadre du Rendez-vous international de la BD de Gatineau (RVIBDG) son projet de fin d’études intitulé Nouvelle Ère.

La seconde. Une vétérane. La première femme à avoir reçu un Reuben Award, le plus prestigieux prix américain dans le milieu de la BD. Cumulant plus de 30 ans de carrière, l’Ontarienne Lynn Johnston est connue à travers le pays pour son strip For Better or for Worse, publié dans plus de 2000 journaux canadiens. Depuis son premier livre devenu best-seller, David, We’re Pregnant, elle a créé une trentaine d’albums, tous des succès de librairie. Le RVIBDG consacre une exposition à sa carrière florissante.

Voir: Quel est votre personnage dessiné féminin préféré?

Myriam Roy: "Erha de la série Les Gardiens du Maser (Massimiliano Frezzato). Bien qu’elle soit un personnage secondaire, elle est le parfait exemple du personnage crédible et bien équilibré: son design est original mais à la fois passe-partout, elle est très intelligente mais pas ennuyante, elle a un côté tomboy mais elle est aussi sensuelle… Vraiment, elle est une formule gagnante à mes yeux!"

Lynn Johnston: "À une époque, Little Lulu était mon personnage favori. Elle était une héroïne authentique et irrésistiblement drôle. Je n’en ai pas de préféré dans le moment."

Quel bédéiste masculin arrive à bien rendre l’univers féminin?

M. R.: "Personnellement, j’aime la façon dont Yslaire (La Guerre des Sambre) rend l’univers féminin. Il a une approche très romantique et douce teintée de mélancolie et de mystère. Ses personnages sont aussi pleinement conscients de leur féminité tout en restant des femmes fortes et intelligentes. Chapeau!"

L. J.: "Je dirais Charles Schulz, dont les personnages féminins étaient forts, dogmatiques et beaucoup plus affirmés que les personnages masculins dans Peanuts!"

Quelle image de la femme souhaitez-vous véhiculer dans vos bandes dessinées?

M. R.: "J’aime représenter une image actuelle de la femme, tout en lui donnant un côté marginal. Que cette marginalité soit créée par un simple trait de caractère, un style vestimentaire ou un talent particulier, j’aime que mes personnages féminins se fondent dans la masse sans déranger ou tomber dans l’excès. Il faut que mes personnages aient un petit je-ne-sais-quoi qui fait qu’on a envie de les connaître un peu plus. J’essaie d’éviter de tomber dans les moules préfabriqués, bien que ce ne soit pas toujours facile…"

L. J.: "Mes personnages féminins sont inspirés de la façon dont je me vois, dont je vois mes amis, les membres de ma famille et ma fille surtout. Les femmes de mon histoire sont honnêtes, accomplies, compétentes, sensibles, vulnérables et fortes… Du vrai monde dans la vraie vie, quoi!"

Les femmes en bande dessinée sont très présentes sur le Web par l’intermédiaire des blogues. Est-ce un médium qui vous inspire?

M. R.: "Je vois ce médium comme une échappatoire où l’on peut se permettre de faire des dessins juste pour s’amuser ou se défouler, mais aussi montrer et partager des illustrations professionnelles de manière à avoir directement l’avis du public. Le blogue permet aussi de laisser tomber les apparences, d’étaler au grand jour nos petits et grands défauts et d’arriver à en rire avec les lecteurs."

L. J.: "Si j’avais 15 ans, je voudrais apprendre tout ce qu’il y a à savoir sur le monde de l’art électronique, j’essaierais de multiplier les plateformes de création. Je pense que l’univers Web est excitant et sollicite des artistes de tous horizons. Là où j’en suis, je suis plutôt tentée d’observer la magie opérer dans les mains de jeunes créateurs plutôt que dans les miennes. Je suis une observatrice prête à applaudir devant les succès de la prochaine génération."

Quels sont vos projets du moment?

M. R.: "Au RVIBDG, je présente mon projet de fin de bac que j’ai retouché cet été, et qui s’accompagne d’une bande dessinée de cinq planches en bonus. Mon album (20 planches couleur) est un récit fantastique mettant en scène un luthier vivant dans le Vieux-Québec. Sinon, en ce moment, je suis illustratrice et bédéiste pigiste. Je n’ai pas encore eu le temps de travailler sur un projet personnel, mais bientôt, je coucherai sur papier l’histoire qui me trotte dans la tête. Vous pourrez en voir l’évolution, puisque avec deux bédéistes talentueuses (Marie-Josée Bourgault et Kasia Mielczareck), nous concevons un site Web [www.sousleberet.com] réunissant nos trois blogues personnels pour rester motivées et montrer nos dernières créations."

L. J.: "D’autres projets verront le jour après que j’aurai mis le trait final à For Better or for Worse, prévu pour le début du printemps 2010. Je suis prête pour de nouveaux défis mais je ne sais trop encore quelle forme ça prendra! Merci de le demander, ça me fait réfléchir à la suite!"

Consultez l’horaire des activités et des séances de dédicaces auxquelles prendront part les deux auteures au www.slo.qc.ca.

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Lynn Johnston: son oeuvre exposée

Lynn Johnston à propos de l’exposition qui lui est consacrée: "Je suis fière d’avoir produit un strip pendant 30 ans. De tous les sujets que j’y ai abordés, je suis particulièrement fière de l’histoire de Lawrence qui avoue son homosexualité. En tant que jeune homme gai, il a été un atout majeur et positif à la galerie de mes personnages." L’exposition comprend aussi des extraits d’un projet inédit: "C’est un livre pour enfants qui traite de la vie avant la naissance, un sujet qui a toujours fasciné mon fils. Il me demandait souvent de lui décrire le monde aquatique du ventre de la mère, alors que les pensées sont abstraites, que tout est sons et sensations… J’ai présenté le projet à deux éditeurs qui l’ont jugé plutôt approprié pour le monde médical ou pour une publication éducative. Je désapprouve. La preuve que ce ne sont pas tous mes projets qui sont couronnés de succès!"