Luc LaRochelle : La chose importante
Tranches de vie. Luc LaRochelle signe un quatrième recueil de nouvelles elliptiques et nous balade au coeur d’une Amérique désabusée et frigide. Inégal.
"Then she tells her mother what she has wanted to tell her for a very long, long time." Fin, ou début, de l’histoire. Dans le dernier ouvrage de Luc LaRochelle, les personnages semblent tous victimes d’une forme d’engourdissement, au sens propre comme au sens figuré: état semi-comateux, vie amoureuse en latence, fraternité ou paternité oubliée, perte de conscience momentanée. Des vies suspendues jusqu’à l’instant où, d’un objet, d’un mot, d’un bruit, le coeur redémarre. Hors du bleu prend place à l’intérieur de ce temps, juste avant que l’évidence ne frappe et que tout bascule.
Histoires courtes. Les nouvelles du recueil ne dépassent pas pour la plupart les trois pages. Assez pour l’auteur qui parvient, très rapidement, à composer les univers, changeants, de ses récits, et à nous placer au coeur de l’intimité de ses personnages. À mesure qu’ils avancent vers l’inéluctable, LaRochelle s’attarde sur les détails: le nom d’une rue à Montréal, la température d’un soir de déchéance, le pas décidé d’un homme qui passe, le frisson que procure le chocolat noir. Devant nos yeux l’Amérique, multiple, vaste et cruelle. Des rues poussiéreuses de San Joaquim au dépanneur montréalais, en passant par les plages bondées du Main, la force de l’écriture repose sur la capacité à imposer des images: paysages fantomatiques ou artificiels, visages fermés, repliés vers l’intérieur.
Quasi cinématographique, le style LaRochelle abuse des ellipses, au point parfois de nous perdre entre fantasme, souvenirs et réalité. La construction des nouvelles (ouverture directe, souvent sur un dialogue apparemment anodin, informations distillées au compte-gouttes, montée du malaise, et finalement chute sous forme de révélation) se révèle systémique et finit par lasser. Le procédé, trop bien rodé, et la langue, très parlée, font parfois barrage à une subtilité qui aurait été nécessaire à l’ambition de l’auteur: capter l’insondable. De même, l’emploi récurrent des figures féminines à titre de fantasmes ou d’empêcheuses de rêver en rond finit par agacer et nous tient à distance du malaise existentiel qui taraude les hommes de LaRochelle.
Hors du bleu
de Luc LaRochelle
Éd. Triptyque, 2009, 150 p.