La Machine du Bonhomme Sept-Heures : Les insomniaques s'amusent
Livres

La Machine du Bonhomme Sept-Heures : Les insomniaques s’amusent

Avec La Machine du Bonhomme Sept-Heures, des artistes d’horizons divers se rencontrent sur papier pour créer frissons et terreur. Pour adultes seulement.

Fallait y penser. Marier les univers du prolifique auteur d’épouvante Claude Bolduc et d’artistes du crayon pour créer des récits graphiques de peu de mots, plantés dans le décor de l’Outaouais. L’idée est de Christian Quesnel, président de Studio Premières Lignes, qui nous avait offert le fort réussi Projet Outaouais l’an dernier. Il y a longtemps que ce projet de "collision" lui trottait dans la tête (inspiré par The Nightmare Factory, un collectif américain autour de l’oeuvre de Thomas Ligotti); il avait remarqué des atomes crochus entre l’esthétique bédéesque et les créations du roi du fantastique en Outaouais.

Le résultat s’avère aussi culotté que la prémisse de départ. Entrecoupé par une mise en contexte de l’auteur, chaque récit graphique propose un nouvel objet en soi, parfois insaisissable, toujours éloquent. Avec De l’amour dans l’air, l’artiste visuelle Marie-France Thibault fait usage de sa technique particulière de jeux d’ombres, de textures et de silhouettes et propose un Vieux-Hull théâtral et majestueux pour raconter une histoire scabreuse d’inceste.

À partir d’OEillades, une nouvelle perverse inspirée des histoires d’horreur anglo-saxonnes, Stanley Wany propose des planches noires et glauques, aussi évocatrices que chaotiques.

Une nouvelle venue fort prometteuse, Anik Deslauriers, propose avec Regarde-moi un récit de fantômes tout en couleurs pénétrantes et aliénantes. À parcourir ses planches, on a la curieuse impression de se faire gratter l’iris, de se faire titiller l’inconscient.

L’ultime récit du bouquin apparaît tel un album photo qu’on aurait trouvé au grenier d’une maison hantée dans le Wisconsin… À l’aide de montages, Dominique Laurent insuffle une odeur de poussière et de pourriture dans les narines alors qu’on découvre l’histoire d’un enfant qui observe des morts émerger des murs de sa chambre et autres hantises…

Si Claude Bolduc a assurément le don de créer chez le lecteur un arrière-goût persistant qui se veut la somme de la crainte, du dégoût et de l’envie irrésistible de poursuivre sa lecture, force est de constater que les dessinateurs, appuyés par des conseillers de talent (Guy Jean, Danielle Grégoire, Aline Bégin), ont réussi à animer ce mal-être volontaire et assumé par leurs planches dégoulinantes de monstruosité. On referme le livre en ayant envie de prolonger l’aventure auprès de ces bédéistes inventifs, mais aussi de se fondre dans un coin sombre pour dévorer les romans noirs de Bolduc.

La Machine du Bonhomme Sept-Heures
Collectif
Studio Premières Lignes, 2009, 112 p.

À lire si vous aimez / les romans fantastiques de Claude Bolduc, Projet Outaouais

La Machine du Bonhomme Sept-Heures
La Machine du Bonhomme Sept-Heures
Studio Premières Lignes