Eliette Abécassis : Mogador-Strasbourg
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Eliette Abécassis : Mogador-Strasbourg

Riche, diverse, ancestrale, la culture sépharade méritait son roman, sa saga écrite. Mais Eliette Abécassis n’est pas Christian Jacq ou Max Gallo, c’est dans le présent qu’elle ancre son récit. C’est tant mieux. Car même si Sépharade garde comme point de référence permanent l’âge d’or judéo-espagnol, cette époque médiévale d’avant Torquemada, où la noblesse sépharade officiait auprès des rois et des califes, où fleurissait "cette civilisation raffinée pieuse et tolérante, ayant le sens de la douleur et du tragique, de la spontanéité, de l’hospitalité, de la tolérance", ce roman traite surtout du sépharadisme contemporain, de la manière dont vivent les juifs marocains d’aujourd’hui, du quotidien et des aspirations de ces familles souvent écartelées entre les grands pôles de leur diaspora: le Maroc, Israël, la France, le Québec.

"Je voulais aller contre ce cliché du Sépharade qui ne s’intéresse qu’à faire la fête. Je voulais évoquer un monde complexe, fait de traditions orales, d’artisanat, de danse, de musiques, de rituels. Et puis, il y a aussi cette tradition kabbalistique, ésotérique qui est si importante pour le monde sépharade. Cette tradition a beaucoup rayonné en Europe, a beaucoup influencé la culture espagnole. Saint Jean de la Croix et sainte Thérèse d’Avila, par exemple, étaient d’origine marrane (Espagnols juifs convertis)."

Dans Sépharade, nous sommes, par contre, bien loin de Cordoue. Esther Vital, jeune juive marocaine née à Strasbourg, tente de définir sa vie, de jeter les bases de son propre destin, quelque part entre son désir de liberté et la nécessité de faire partie d’une chaîne de transmission qui a traversé les âges. "Nous avons tous des identités multiples", écrit Eliette Abécassis en prélude à son roman. C’est d’autant plus vrai pour les Sépharades, dont les vies oscillent entre le devoir de mémoire imposé par les anciens et le désir de modernité et d’indépendance que ressentent les plus jeunes. Un dilemme connu par tant de fils d’immigrés, quelles que soient leurs origines.

Pour préparer son livre, Eliette Abécassis a beaucoup voyagé. Elle a parcouru les chemins de la diaspora, jusqu’à Montréal. Ici, plus qu’ailleurs, elle a retrouvé un monde sépharade total. "Le Canada est un des endroits où les Sépharades immigrés ont le mieux gardé leurs traditions. J’ai retrouvé dans la communauté sépharade de Montréal une fierté de revendiquer ses origines marocaines qui existe moins en France, par exemple, où la tradition républicaine est plus forte et le communautarisme est mal vu. Lors de mon séjour chez vous, j’ai eu l’impression de revivre les traditions de mes parents, de mes grands-parents. À Montréal, il y a une école, un journal, un prix culturel sépharades, un festival même. La culture sépharade s’est développée au Québec de manière épanouie et décomplexée."

Sépharade
d’Eliette Abécassis
Éd. Albin Michel, 2009, 457 p.

En signature, le jeudi 19 de 19 h à 20 h

Sépharade
Sépharade
Eliette Abécassis
Albin Michel