Hélène Rioux : Village global
Hélène Rioux présente cet automne le deuxième volet de ses "Fragments du monde", pétillant cycle romanesque qui en comptera quatre.
S’engager dans l’écriture d’une tétralogie relève du projet de vie autant que du projet littéraire. L’aventure, qui peut aisément courir sur une décennie, voire plus, exige une conviction profonde, une discipline de fer. À mi-chemin d’une pareille entreprise, Hélène Rioux semble pourtant fraîche comme une rose, tout sauf essoufflée. "Il faut dire que l’idée de ce cycle m’est venue après coup, se souvient la romancière. Après avoir écrit les dernières pages de Mercredi soir au Bout du monde, je me suis dit: oh non, ça ne peut pas être fini! J’ai un plaisir fou à travailler ce projet, j’ai aussi réalisé que l’histoire, par toute une série de jeux de miroirs, de liens, pouvait mener plus loin, alors j’ai imaginé un ensemble plus large."
Âmes en peine au paradis perdu reprend là où nous avait laissé l’encensé Mercredi soir, en 2007 (prix France-Québec, prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec, finaliste au Prix du Gouverneur général). "Même si mes histoires se déroulent aux quatre coins du monde, il y a entre elles tout un réseau d’éléments communs. Mais attention: il n’y a pas de liens de conséquence. Par rapport à Babel par exemple, un film que j’ai adoré, on ne se rend pas compte à un certain moment que tout est lié, que ceci a engendré cela. Je veux montrer que tout cohabite, qu’il y a une infinité de liens entre les gens et les choses, qu’un même livre peut être important pour différentes personnes, à un moment précis, mais que tout ça forme une tapisserie, une mosaïque, dont les fragments sont indépendants", explique celle qui a adoré le dernier roman de Michael Ondaatje, Divisadero, encore là une oeuvre articulée autour de fragments.
L’arbre de la connaissance
Bourré de contrastes, le roman d’Hélène Rioux est partagé entre érudition, faisant paraître çà et là Dante, Nietzsche ou Wagner, et une tangente plus ludique, qui s’empare du réel pour le tordre. Entre le Bout du monde, ce boui-boui qu’on trouve à l’angle des rues De Saint-Vallier et Saint-Zotique, puis Sofia, Pise, le Rhode Island ou le Devonshire, Hélène Rioux nous convie à un tour du monde comme des registres. "Je m’adresse à quiconque aime lire, et aime, comme moi, apprendre des choses en lisant. Il faut dire aussi que j’ai toujours aimé l’histoire, alors je pars souvent de personnages ou de faits historiques, et je m’amuse à inventer autour. Il y a dans Âmes en peine une histoire de tableau volé, par exemple. J’ai lu cette histoire quelque part, mais je n’ai pas fait des tonnes de recherches pour m’assurer que ça s’était bel et bien passé ainsi. Ça n’a été qu’un point de départ."
Tout sauf essoufflée, donc, Hélène Rioux dit être bien avancée dans la rédaction d’un troisième volet, dont elle nous annonce déjà le fort beau titre: Nuits blanches et jours de gloire. Petit train va loin.
Âmes en peine au paradis perdu
d’Hélène Rioux
XYZ éditeur, 2009, 284 p.