Tonino Benacquista : L'outreconteur
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Tonino Benacquista : L’outreconteur

Scénariste et auteur, Tonino Benacquista est l’un des invités d’honneur du Salon du livre.

C’est un homme à tout faire, un Renaissance man, dirait-on en anglais. Il est romancier, bédéiste, scénariste, mais Tonino Benacquista se voit d’abord comme un conteur. "Mon intérêt premier est de raconter des histoires, nous confiait-il. C’est de l’histoire que va naître la forme du projet: roman, scénario de film ou BD."

Est-ce à dire que Benacquista n’a pas de préférence créative, de terrain de jeu privilégié? "Le roman est prioritaire sur tout le reste, avoue-t-il. C’est, pour moi, l’exercice majeur. C’est un travail entre soi et soi qui offre une liberté absolue. Mais le roman n’est pas nécessairement le meilleur vecteur pour toutes les idées. Certaines histoires sont mieux servies par d’autres moyens d’expression. Par exemple, dans L’Outremangeur, une bande dessinée que j’ai réalisée avec Jacques Ferrandez, je parle d’un type obèse qui risque de mourir. Il y a cette scène où l’on voit le personnage assis par terre, devant son frigo, en train de manger une choucroute. C’est une image très explicite, qui campe le personnage en une seule case. Dans un roman, je l’aurais décrit, mais de manière sans doute moins efficace."

La bande dessinée, le cinéma, c’est aussi la possibilité pour Benacquista de sortir de la bulle imposée par l’écriture du roman. "C’est assez salutaire de se retrouver dans la confrontation. Le travail d’équipe qu’impliquent le cinéma et la bande dessinée me permet de sortir de cette solitude, c’est une reprise de contact qui nourrit l’ensemble de mon travail."

Fil conducteur

Existe-t-il un fil commun dans les oeuvres de Benacquista? Quelle continuité entre Malavita, Quelqu’un d’autre et L’Outremangeur? Benacquista jongle si habilement avec les genres et les tons que l’on pourrait avoir du mal à reconnaître sa marque d’une de ses créations à l’autre. "C’est vrai que dans Malavita, il y a une légèreté et un propos qui n’ont pas grand rapport avec les questions abordées dans De battre mon coeur s’est arrêté, par exemple", acquiesce-t-il.

Et pourtant, s’il y a une question centrale dans l’oeuvre de Benacquista et qui fait sa spécificité, c’est celle du double, du déchirement identitaire, d’un homme comparé à ce qu’il aurait pu, ou voulu, être. Ses personnages sont souvent pris entre deux cultures, ou alors déchirés par leur choix de vie. Ils rêvent souvent d’autre chose, d’un ailleurs, d’un autre soi-même qui vivrait une vie meilleure. C’est sans doute ce qui fait l’attrait premier de ses romans. Après tout, les questions identitaires sont dans l’air du temps.

"J’aime jouer avec la notion de décalage. Dans Malavita, je transpose un gangster dans un cadre français. Dans La Commedia des ratés, j’aborde aussi la notion de double culture. Je parle de déracinement et d’intégration dans un autre pays. Alors que Quelqu’un d’autre traite de l’identité, de la métamorphose. Ces sujets sont certainement dans l’air du temps. Je ne peux que le constater. Mais je ne les traite pas de manière calculée."

Tonino Benacquista sera interviewé par Gilles Archambault, le jeudi 19 novembre à 18 h, sur la Grande place.

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LE PROCHAIN LUCKY LUKE!

Consécration suprême pour un bédéiste européen, Tonino Benacquista s’apprête à marcher dans les pas de René Goscinny. Avec l’aide de son comparse Daniel Pennac, il travaille actuellement à la scénarisation du prochain album de Lucky Luke. "C’est un honneur, j’ai une profonde admiration pour l’univers de Goscinny, qui m’accompagne depuis l’enfance. Nous avons fait une proposition. Il faut qu’on y retrouve tout ce qu’on aime chez Lucky Luke tout en faisant avancer le personnage."