Daniel Castillo Durante : Combustion lente
Les passions se bousculent entre Montréal, Paris et Buenos Aires dans Ce feu si lent de l’exil, le quatrième roman de Daniel Castillo Durante. Bref aperçu d’un art où l’intensité se transforme en mots.
Qui n’a jamais eu, ne serait-ce qu’une seconde, ce brûlant désir de tout quitter, de se déraciner afin de mieux se ressourcer et, tel un serpent, de changer de peau? L’exil, surtout vécu dans la lenteur, trace son chemin à travers la passion. "Il n’y a pas d’exil sans amour", assure Daniel Castillo Durante, qui a vu, dans ce thème peu exploité en littérature, l’occasion de construire de nouvelles passerelles.
Professeur de littérature française à l’Université d’Ottawa, Daniel Castillo Durante s’intéresse particulièrement aux liens qui se forment entre les différentes communautés à l’échelle internationale. Il constate une synergie, un dialogue qui s’établit à travers les langues et la culture et qui permet de passer outre les stéréotypes, comme ses romans savent si bien le faire.
L’histoire de Ce feu si lent de l’exil se déroule dans ce contexte de déracinement, alors qu’une relation amoureuse entre deux Montréalais, qui apprennent à gérer l’intensité de leurs sentiments, naîtra dans l’intemporelle ville parisienne avant d’aboutir à Buenos Aires, en Argentine, parce que "venir dans le Sud était la meilleure façon de ne pas perdre le nord", écrit l’auteur d’origine argentine.
Dans son nouveau roman, Daniel Castillo Durante n’a pas hésité à dépeindre son pays natal sous un angle qu’il qualifie de pécuniaire. "Je n’avais pas le droit de faire appel aux stéréotypes et d’édulcorer une Argentine à l’eau de rose", affirme-t-il. Sa curiosité l’a amené à découvrir un commerce d’exportation de jeunes femmes sur Internet qui fonctionne en toute légalité. "Entre rester sur place, ne pas travailler, être ménagère et aller en Australie, au Canada ou dans un pays où elles peuvent évoluer, le choix est assez compréhensible et les candidates au voyage sont, hélas, nombreuses", constate le professeur, qui a décidé de baser son intrigue sur ce phénomène contemporain.
Il est difficile d’imaginer qu’un Argentin d’origine puisse maîtriser la langue de Molière avec autant d’adresse, et rares sont les auteurs régionaux à déployer une plume si vivante et originale. Daniel Castillo Durante arrive pourtant à exploiter toutes les facettes cachées de la langue française où les allégories explosent de saveurs, comme de véritables bonbons imaginaires.
Cette habileté s’explique sans doute par ce besoin profond de l’auteur d’écrire afin de renaître et de se sentir au diapason du quotidien. "L’écriture, pour moi, c’est avancer, quitter la terre, parvenir à une sorte de symbiose avec l’élément, comme l’eau", illustre-t-il. C’est alors seulement que se fond, dans cette parfaite lenteur de l’écriture, son expérience ardente de l’exil.
Ce feu si lent de l’exil
de Daniel Castillo Durante
XYZ éditeur, 252 p.
À lire si vous aimez / Un café dans le Sud de Daniel Castillo Durante, D’amour et d’exil d’Eduardo Manet