Gil Courtemanche : Aller au bout de ses idées
Dans son troisième roman, Gil Courtemanche creuse les rapports troubles entre la justice et le droit.
Rarement avait-on vu un essayiste et journaliste de métier réussir aussi bien ses premiers pas sur le terrain du romanesque. C’était en 2000, Gil Courtemanche publiait une bombe titrée Un dimanche à la piscine à Kigali. Un livre fin autant que courageux, bouleversant, depuis traduit en 20 langues et adapté au cinéma par Robert Favreau. Puis en 2005 paraissait Une belle mort, beau roman à la carrière plus discrète, néanmoins en cours d’adaptation pour le grand écran, par Léa Pool, s’il vous plaît.
Avec Le Monde, le lézard et moi, Courtemanche poursuit sa réflexion sur les mécanismes imparfaits par lesquels on tente de rendre le monde un peu moins injuste. Son narrateur, Claude, est analyste à la Cour pénale internationale de La Haye. Personnage taciturne, déçu de ses relations amoureuses, déçu de la vie tout court, Claude est pourtant animé d’un grand idéal, qui lui donne la force de se lever chaque matin. Convaincu que le droit ne conduit pas toujours à la justice, il tente de rapprocher les deux, coûte que coûte.
Un jour, Claude va démissionner pour traquer un chef de guerre congolais relâché pour vice de procédure mais dont la culpabilité, à ses yeux, est avérée. Sans doute n’aurait-il jamais cru que son idéal allait le pousser à prendre d’aussi grands risques, mais sait-on jamais jusqu’où notre idéal va nous mener? En chemin, ce héros malgré lui va réaliser toute la difficulté d’aider les habitants de pays où les codes sont différents des nôtres.
Une fois encore, voilà le travail d’un excellent raconteur, un authentique styliste qui sait rendre les sentiments complexes de ses personnages, lesquels sont toujours à cent lieues d’être tout noirs ou tout blancs, sans mauvais jeu de mots. On pourra critiquer la pertinence de ce long détour, en début de livre, dans l’enfance ultra-protégée de Claude, période durant laquelle l’injustice du monde ne filtre jusqu’à lui qu’à travers les images du Téléjournal, segment pas inintéressant en soi mais dont la moitié aurait suffi à la bonne compréhension du personnage. On n’en applaudit pas moins le travail de celui qui est dorénavant, dans l’esprit de tous, un romancier, et pas des moindres.
Le Monde, le lézard et moi
de Gil Courtemanche
Éd. du Boréal, 2009, 232 p.
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