Marc Besse : Osez Bashung
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Marc Besse : Osez Bashung

La biographie de Marc Besse nous présente un Alain Bashung génial et torturé, sans cesse à la recherche du disque parfait, une quête sans fin qui se vit au quotidien dans l’angoisse.

Ceux qui pratiquent l’oeuvre bashungienne depuis longtemps s’en doutent: le chanteur carbure à la noirceur, au voluptueux trouble. Si ses albums sont parmi les plus éclairants de la musique actuelle, on peut tout de même dire que la lumière y entre à peine. Il fait sombre là-dedans, et l’humour s’y joue comme une carte désespérée. Tout ça, on le savait déjà avant de lire la biographie de Marc Besse, un ouvrage fouillé, bien documenté, qui a demandé huit ans de préparation et une centaine d’entretiens entre Bashung et son biographe. De simple admirateur, journaliste aux Inrockuptibles, Besse est passé à confident.

C’est la chose la plus frappante dans Bashung(s): une vie: si l’artiste avait plusieurs personnalités, elles s’alimentaient toutes aux doutes, à l’angoisse. De nombreuses fois dans sa vie, le chanteur aura craqué, finissant ses crises de désespoir à la clinique ou auprès d’un ami cher (souvent Jean Fauque, son parolier et témoin privilégié du livre). On savait Bashung capable de chefs-d’oeuvre, mais pas au prix d’un dosage si fort de méticulosité. Il en était maniaque, la moindre chanson lui demandait des semaines de remises en question, de fouilles pour trouver le bon son de clavier. Le moindre mot dans un texte était ausculté, pesé, au point que ses paroliers en devenaient presque dingues à leur tour.

Plus qu’une biographie, ce livre de Besse nous entraîne dans le parcours artistique de Bashung. Sa vie personnelle est à peine effleurée. De son enfance malheureuse, d’un père inconnu et d’une mère absente, jusqu’aux premiers 45 tours dans les années 60 qui sont autant d’échecs, il galère jusqu’à la fin des années 70. Et puis viennent les tubes, le succès, et l’artiste continue de régulièrement péter les plombs. À la fois émouvant et troublant. On s’enfonce, littéralement, dans son labyrinthe de création, de longues pages sont consacrées à l’échafaudage de sa musique.

Bashung n’est pas facile à suivre, et encore moins dans ce livre. Il faut oser l’artiste génial et l’homme torturé. Il est d’autant plus difficile à accompagner que ce livre n’est pas sans défaut. Le reproche principal que l’on puisse adresser à Besse, c’est de manquer de sens critique et de perspective historique. Il se contente de décrire, assez platement, les disques du chanteur, sans les analyser, sans les critiquer. Comme si ces opus étaient sans reproche et ne méritaient aucun jugement. Et si Besse semble bien connaître le rock anglophone, il a de la chanson française une compréhension assez superficielle, ce qui l’empêche de bien remettre en contexte l’oeuvre de Bashung dans le répertoire francophone. On effleure à peine le chanteur Christophe, alors que leurs parcours se recoupent souvent.

Ces lacunes mises à part, l’ouvrage de Besse attise néanmoins le feu que l’on aime entretenir pour Bashung et l’envie de toujours approfondir son oeuvre osée.

Bashung(s): une vie
de Marc Besse
Éd. Albin Michel, 2009, 330 p.