Thierry Dimanche : Vous avez un message
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Thierry Dimanche : Vous avez un message

Avant le timbre, deuxième publication de Thierry Dimanche en moins d’un an, explore le dialogue amoureux par répondeur interposé.

En poésie, le temps est à la recherche d’un cadre d’expression neuf, délesté des références de décennies de poésie québécoise, aussi éloquente fût-elle. À défaut de réinventer la roue, tâchons de la faire chanter autrement, semblent se dire les poètes d’aujourd’hui. Parmi eux, Thierry Dimanche.

Qui aurait cru qu’un répondeur téléphonique pouvait devenir l’élément central d’un livre de poèmes? Avant le timbre, qualifié de "poème dramatique", ou encore de "théâtre vocal", est fait de 41 messages laissés par un homme sur le répondeur d’une femme, prétexte à une réflexion sur la communication, ses élans, ses limites, ses dérives. "Ce n’est pas comme tel autobiographique", nous dit le très actif poète (déjà sept recueils en sept ans!) et professeur à l’Université laurentienne de Sudbury, Ontario. "Mais je puise dans ma compréhension de la mise en scène à l’oeuvre dans la communication amoureuse, de ce que ça implique de s’adresser à quelqu’un d’autre. Comme il s’agit de messages vocaux, on peut même dire que ce sont des mots adressés à quelqu’un avant même qu’il y ait quelqu’un."

Dimanche dit avoir eu pour inspiration Notes d’un souterrain de Dostoïevski, de même que Le Bavard de Louis-René des Forêts (1918-2000), cet immense méconnu du 20e siècle littéraire français. De ce dernier, on retrouve en effet le flot du délire verbal, un emportement, tandis qu’en filigrane s’articule l’idée de la réalisation repoussée, l’intuition qu’il vaut mieux être en situation de désir que dans le désir étanché. "Évidemment, on sent dans les messages l’espoir d’une réunion physique, mais j’y ai aussi mis quelque chose du "désir demeuré désir", selon la formule de René Char; une méfiance à l’endroit de l’amour."

L’interprétation est ouverte. On pourra voir dans ce faux dialogue le monologue d’un fou, qui fantasme l’autre; on pourra y voir aussi, simplement, une distance cultivée: "Tu restes là, tu demeures sur les lieux, tu écoutes peut-être. Tu sors et tu reviens, attirée toi aussi par notre imperfection. C’est plus simple d’être un peu compliqué, pour l’instant." (message no 21)

Libre des vers

Thierry Dimanche développe ici une poésie plus narrative que jamais. "J’avais déjà touché à la prose poétique, se souvient-il, en collaborant à la série Les Petits Villages, il y a quelques années. Il s’agissait d’un mélange des genres, entre carnet de voyage et poésie, que j’avais bien aimé. Je dois dire aussi que ce livre, Avant le timbre, a été écrit en parallèle avec Autoportraits-robots, paru plus tôt cette année au Quartanier. Ce projet-ci a été en quelque sorte ma soupape en prose."

Tiens, le poète aurait donc eu besoin d’une soupape? "Pour être honnête, je suis fâché avec le vers", laisse tomber Thierry Dimanche, avant de nous expliquer qu’il publiera l’an prochain un essai, voire un pamphlet, sur la poésie actuelle et ses tics, ses lieux communs. "Plusieurs se prennent dans le piège du poétisme, avance-t-il. Plusieurs croient que dès qu’il y a des vers, il y a poésie. Je pense qu’il est temps de réfléchir à tout ça."

En attendant le fruit de sa colère, précisons que Dimanche n’a pas non plus renoncé au vers puisque la deuxième des trois parties du présent recueil, intitulée L’Essoufflerie, est versifiée. Paradoxal Thierry Dimanche, qui au passage nous donne l’un des plus remarquables recueils de la saison.

Avant le timbre
de Thierry Dimanche
Éd. de l’Hexagone, coll. "Écritures", 2009, 128 p.

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Avant le timbre
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Thierry Dimanche
L’Hexagone