Guillaume Corbeil : Renouer avec l’enfance
Avec Pleurer comme dans les films, son premier roman, Guillaume Corbeil nous fait voir le monde avec les yeux d’un enfant pas banal.
Tout d’abord, il faut situer l’auteur. Originaire de Valleyfield, le Montréalais Guillaume Corbeil n’a pas 30 ans. Après avoir décroché à l’UQAM une maîtrise en création littéraire, il publie en 2008, à L’instant même, L’Art de la fugue, un recueil de nouvelles qui lui vaut le prix Adrienne-Choquette. Cet automne, il publiait son premier roman, Pleurer comme dans les films.
En ce moment même, tout en complétant une formation en écriture dramatique à l’École nationale de théâtre, il peaufine une biographie du metteur en scène André Brassard (à paraître chez Libre Expression en février prochain). Nouvelliste, dramaturge, romancier et biographe: vous avez dit polyvalent?
Dans son premier roman, le jeune homme adopte un ton qui, tout en lui étant propre, ne nous est pas étranger. C’est que les observations du narrateur, un enfant hydrocéphale que sa mère destine (le mot est faible) à devenir écrivain, évoquent celles des jeunes personnages de Réjean Ducharme, Romain Gary ou Michel Tremblay.
Atteint de scoliose, victime de violents maux de tête, le narrateur n’en est pas moins parcouru de désirs, fasciné par les dessous féminins aussi bien que par la vie des grands écrivains. D’ailleurs, sa conception (comme dans "immaculée conception") est un mythe littéraire en soi. Dire qu’on sent dans les nombreux petits chapitres du livre l’amour de Corbeil pour la littérature serait un euphémisme.
S’il est doté d’une imagination débordante, le héros sait surtout se servir du réel comme d’un tremplin, autrement dit faire apparaître ce qui de la réalité est pour la plupart d’entre nous invisible. C’est ce qui donne autant de charme à l’oeuvre, ce regard tendre et cinglant sur le monde, la langue souveraine qui le traduit.
Dans sa relation avec la petite Jade, une fillette sans yeux, avec Émile Ajar, qui habite juste au-dessus de chez lui (!), mais surtout avec sa mère, aussi aimante qu’envahissante, il y a un mélange de fantasme et de sagesse, de divagation et de lucidité, une candeur et une férocité dont on ne se lasse pas.
En fait, le roman nous renvoie habilement à nous-mêmes, c’est-à-dire aux rôles que la vie en société nous oblige à tenir. Corbeil fait apparaitre ce gouffre identitaire entre la vie intérieure et la vie extérieure, l’angoisse profonde qui en découle, celle-là même que sait si bien nous restituer la littérature.
Pleurer comme dans les films
de Guillaume Corbeil
Éd. Leméac, 2009, 152 p.
À lire si vous aimez /
La Vie devant soi ou La Promesse de l’aube de Romain Gary, L’Avalée des avalés de Réjean Ducharme, Les Chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay