Christian Quesnel : Londres, PQ
L’été dernier, le bédéiste de l’Outaouais Christian Quesnel amorçait une résidence artistique de six mois à Londres en installant sa valise, ses crayons de couleur et son flot créatif dans un studio prêté par le CALQ. Pour la durée de cette période d’incubation, il a déposé impressions, pensées et explorations dans son blogue Fenêtre[s] sur Londres logé sur www.voir.ca. À la veille de son retour, où il poursuivra notamment ses fonctions de président du Studio coopératif Premières Lignes, il nous livre ici le résumé de son aventure londonienne qui va laisser ses traces…
"Débarqué à Londres le 6 juillet dernier, je vois ma résidence tirer à sa fin; je quitte au début de la semaine prochaine pour le Québec qui, semble-t-il, a revêtu son manteau blanc. Je reviens de ces six mois complètement gonflé à bloc par mes nombreuses rencontres, découvertes et solides amitiés forgées ici.
Le mot que je retiens de cette expérience extraordinaire est ouverture. J’ai découvert dans la capitale britannique une envie de s’ouvrir à l’autre comme jamais auparavant. J’ai côtoyé d’excellents artistes venus d’un peu partout qui amenaient avec eux leur culture et leur coeur, prêts à partager mais aussi à découvrir. Aussi, chaque coin de rue de cette ville réserve des surprises créatives au visiteur attentif."
Facteurs de liaison
"La facilité avec laquelle je me suis fait des contacts m’a étonné jusqu’à la fin et l’accueil a été incroyable. Je pense notamment à la Comics Creators Guild of Great Britain (CCG) qui m’a invité au BICS à Birmingham, m’a nommé membre honoraire de sa guilde et – cerise sur le sundae – m’a prêté un téléphone cellulaire pour la durée de mon séjour. Les gens de la guilde m’ont présenté à de nombreuses personnes dans le milieu de la BD britannique…
Une de ces personnes est Paul Gravett. Il est considéré comme une sommité de la BD en Grande-Bretagne. Membre de l’organisation du Comica (festival BD de Londres), il a aussi été commissaire d’expositions de BD en collaboration avec le British Museum et a écrit de nombreux livres spécialisés sur la BD. Paul m’a envoyé plusieurs liens dans le monde de la BD qui restent à exploiter à mon retour en sol québécois. Beaucoup plus facilement que je m’y attendais, j’ai réussi à publier en Grande-Bretagne, dans une anthologie intitulée The Poe Project, une adaptation du poème Sonnet – Silence, ce qui permettra à mon travail de bénéficier d’une grande diffusion à Londres et dans le reste du pays.
Couronner mon expérience par une exposition de mon roman graphique Hearts of Clay et la visite de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec, Christine St-Pierre, a été bien au-delà de ce que j’espérais. D’ailleurs, le drame romantique raconté dans cette exposition transcende visiblement le Québec puisque de nombreuses personnes, très différentes, ont été touchées par le récit."
Mon auberge espagnole
"Le travail d’artiste en résidence en a vraiment été un d’équipe avec les gens du CALQ et la Délégation du Québec à Londres, et ce, depuis les premiers jours. Ces gens ont compris qu’il y a des similarités entre le Québec et l’Angleterre qu’il faut exploiter, car il y a une réceptivité ici à notre culture, à cheval sur l’Amérique et l’Europe. Ces observations londoniennes m’ont permis de porter un regard nouveau sur le Québec et sur ses dogmes actuels post-Révolution tranquille.
Pour moi, les rencontres qui ont été les plus riches ont été celles avec mes collègues artistes en résidence. Ils sont devenus des amis très proches, se montrant solidaires dans toutes circonstances, que ce soit pour les expositions, les sorties, les déménagements et aussi, lors du suicide du frère d’un membre de notre cercle. Cette amitié entre des personnes issues de milieux différents a été fort enrichissante pour moi puisque le mélange des cultures est au coeur de mon travail. Mon "auberge espagnole" s’est maintenant dispersée en Australie, en Suède, en Allemagne, au Portugal et en Suisse et, même à distance, nous continuons à nous appuyer. Je m’attends à un retour difficile car ces six mois m’ont grandement transformé, m’ouvrant d’autres perspectives et chamboulant ma vie laissée au Québec. D’ailleurs, mes amis artistes retournés chez eux subissent un dur retour et ont peine à se détacher de cette expérience, que je qualifierais d’exceptionnelle."
Pas de géant
"La résidence est terminée, mais ses effets ne font que commencer et des projets seront mis en place prochainement, comme entre autres la production d’une anthologie BD Québec-Royaume-Uni et des collaborations avec d’autres artistes visuels. En plus de ces projets à venir, ma technique de travail va subir les contrecoups de cette résidence en faisant des pas de géant.
Pour l’heure, je me concentre sur le retour, sur les amis, la famille, sur les Fêtes et surtout sur les deux petites filles qui marquent le calendrier, comptant les jours qui restent avant que leur papa revienne…"