Marie Christine Bernard : Mademoiselle Quelqu'un
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Marie Christine Bernard : Mademoiselle Quelqu’un

Mademoiselle Personne continue de se faire connaître. Grâce au prix France-Québec, le deuxième roman de Marie Christine Bernard voyagera jusqu’en Europe.

Alors que dans les librairies d’ici, on ne le trouve que dans les rayons du fond, Mademoiselle Personne a droit ces jours-ci à tous les honneurs à la Librairie du Québec à Paris, trônant sur les présentoirs auprès de L’Énigme du retour, de Dany Laferrière (prix Médicis). C’est que, même si on en a peu parlé ici, le superbe roman de Marie Christine Bernard méritait cet automne à son auteure le prix France-Québec, assorti d’une bourse de 5000 euros. Cette distinction visant à promouvoir la littérature québécoise en France, l’écrivaine sillonnera l’Hexagone à la rencontre des lecteurs d’outre-Atlantique.

Par un heureux hasard, l’auteure avait déjà prévu prendre quelques mois de congé, se libérant de ses responsabilités d’enseignante pour se concentrer sur l’écriture. C’est entre le lancement d’un nouveau recueil de nouvelles en février – qui traitera de la marginalité – et la visite prévue de quelques festivals de littérature que vient se glisser une tournée de différentes régions de la France, ce qu’elle envisage avec beaucoup d’enthousiasme: "Je vais me promener dans les régions où les gens m’ont invitée, chez des gens qui m’attendent. Ce n’est pas comme quand on fait une séance de dédicaces dans une librairie et que les gens n’osent pas approcher. Ils m’attendent vraiment, veulent m’accueillir."

Après différentes activités – causeries, rencontres, cocktails, séance de dédicaces au Salon du livre de Paris -, elle recevra officiellement son prix le 22 mars, des mains du réputé chef d’antenne français Patrick Poivre d’Arvor. "Je verrai enfin s’il n’a qu’un torse ou s’il a des jambes. Ou s’il a les jambes torses…" rigole-t-elle pour relativiser l’importance de la chose. C’est que Marie Christine, elle est comme ça: simple et avenante, elle sait que la vie est fragile, et qu’il vaut mieux rire de tout ça.

Les premiers habitants

Au-delà des indéniables qualités esthétiques du roman de Marie Christine Bernard, auquel les critiques présageaient déjà un brillant parcours, on remarque le regard particulier que l’auteure porte sur les nations autochtones. En plus d’un personnage influent (Marie l’Indienne), qui n’a rien d’une caricature, on y découvre des sous-titres en langue micmaque et des références aux traditions orales amérindiennes.

Sans que le livre soit "porteur d’un message", on sent tout le respect qu’elle a pour ceux qu’elle appelle ses "amis attikameks, cris, abénakis, innus et les autres enfants de la Grande Tortue".

C’est une histoire d’amour de longue date, entamée lorsqu’elle était enfant, à Carleton, au bord de la baie des Chaleurs: "J’ai grandi proche des Indiens. Il y avait toutes sortes d’histoires à leur sujet. On les voyait très peu. J’ai toujours été fascinée par le mystère qui les entourait. Aussi, le mot sauvage qu’on leur accolait… Pour moi, ce mot était une porte ouverte sur toutes les possibilités. Il y a une noblesse là-dedans."

Aujourd’hui enseignante au Collège d’Alma, elle travaille depuis dix ans avec des Amérindiens et connaît bien les difficultés qu’ils vivent. "Les jeunes autochtones se suicident six fois plus que les jeunes Québécois, qui détiennent déjà le record mondial. Pourquoi ils ne veulent pas vivre? Ils n’ont pas d’espoir. Mais quand ils font des études, ils réalisent que ça vaut la peine, que ça peut valoir la peine de ne pas lâcher."

On connaît l’appétit de nos cousins français pour le fait amérindien. Profitera-t-elle de sa tournée pour parler des problèmes des autochtones? "Si, en me servant de cette tribune, je peux faire en sorte qu’on s’intéresse plus à eux qu’aux phoques, pourquoi je m’en priverais? Je trouve ça aberrant qu’on déploie autant d’énergie pour aller verser une petite larme sur la banquise au large des Îles-de-la-Madeleine, alors que les autochtones crèvent. Ils ont la tuberculose. Ça ne se peut pas, au Canada, avoir la tuberculose. C’est une maladie de misère", déplore-t-elle. "Ils sont là. Ils sont en moi. Ils vont toujours être dans mes livres, les autochtones."

Mademoiselle Personne
de Marie Christine Bernard
Éd. Hurtubise HMH, 2008, 320 p.

Mademoiselle Personne
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Marie Christine Bernard
Hurtubise HMH