Jean-Simon Desrochers : La Canicule des pauvres
C’est l’une des plus belles surprises de la littérature québécoise récente. On savait ce dont était capable le poète, auteur de deux recueils dont le deuxième, Parle seul (2003), lui a valu le prix Émile-Nelligan; on découvre aujourd’hui l’authentique romancier. Avec La Canicule des pauvres, 680 pages de méandres romanesques dans lesquels il aurait pu s’égarer cent fois, Jean-Simon Desrochers anime tout un petit théâtre où la vie est une lutte au quotidien. Alors qu’une vague de chaleur abrutit Montréal, les habitants du Galant, maison de passe convertie en immeuble locatif, vont et viennent, guidés par leurs menues ambitions, leurs besoins, leurs désirs. Dans une langue claire, sans les tics rencontrés en général chez les poètes devenus romanciers, l’auteur dessine la trajectoire en zigzag d’une vingtaine de personnages, un dealer, un culturiste, une tueuse à gages… Si le tableau d’ensemble a la gravité de toute lecture aiguisée de la condition humaine, le détail de ces vies prête souvent à sourire. Desrochers signe une fresque savamment déglinguée, pleine d’empathie pour les pauvres mais sans morale gaugauche, polyphonique mais jamais verbeuse – les chapitres sont courts, l’action, ou l’inaction, décrite avec ce qu’il faut de détails mais sans plus. Une franche réussite. Éd. Les Herbes rouges, 2009.