Tom Rob Smith : En rouge et noir
Après le formidable succès d’Enfant 44, Tom Rob Smith signe Kolyma, son deuxième soviet-thriller. Au programme: goulag, secrets d’État et bastonnades.
Nous sommes en 1956, Staline est mort depuis trois ans. Nikita Kroutschev, le nouveau premier secrétaire du parti, tente de sortir de l’ombre de son terrifiant prédécesseur. Devant le 20e congrès du PCUS, il livrera un discours dénonçant les horreurs commises par le "petit père des peuples": tortures, goulags, maintien d’un régime de la peur et de la délation.
"Staline a progressivement fait l’objet d’un culte de la personnalité qui a engendré toute une série de perversions extrêmement graves des principes du Parti, de la démocratie au sein du Parti et de l’espoir de la révolution, écrit le nouveau dirigeant soviétique." C’est dit: en URSS, l’État et ses sbires ne sont plus irréprochables.
Leo Demidov, le héros de Tom Rob Smith, que l’on a rencontré pour la première fois dans Enfant 44 (premier roman de l’auteur en passe de devenir un film de Ridley Scott), n’apprend rien à la lecture de ce discours. C’est un ancien officier de la police secrète. Il a envoyé des centaines d’innocents au goulag.
Mais comme le Kroutschev de 1956, c’est un repenti. Seulement, la rédemption ne dépend pas que des bons sentiments. Encore faut-il obtenir le pardon de ceux que l’on a blessés. Leo n’a pas cette chance. Une de ses victimes innocentes, dont le mari est prisonnier du goulag, cherche à se venger, et kidnappe la fille adoptive de notre antihéros. Pour la sauver, Leo devra, clandestinement, plonger dans l’horreur du camp de Kolyma.
Tom Rob Smith continue son jeu d’équilibriste entre Histoire et sensations fortes. Dans Kolyma, il dépeint avec efficacité une société de faux-semblants, de sables mouvants où les policiers sont les criminels et les bourreaux peuvent se transformer, du jour au lendemain, en victimes.
Jeunesse oblige, l’auteur affectionne un peu trop les scènes d’action. Il y a plus de bagarres et de poursuites dans Kolyma que dans Enfant 44. Paradoxalement, le suspense en pâtit. Nous aurions aimé passer plus de temps à découvrir les arcanes du pouvoir moscovite. Toutefois, la question de fond du roman demeure fascinante: les complices de la tyrannie méritent-ils le pardon?
Kolyma
de Tom Rob Smith
Éd. Belfond, 2010, 402 p.
À lire si vous aimez /
Enfant 44 du même auteur, les romans de John Le Carré, Récits de Kolyma de Varlam Chalamov