Douglas Coupland : jPod
Après avoir exploré les séquelles d’une fusillade dans une polyvalente (Hey, Nostradamus!), après avoir montré la solitude extrême de ces filles qu’on-croise-tous-les-jours-mais-qu’on-ne-remarque-jamais (Eleanor Rigby), l’écrivain vancouvérois Douglas Coupland nous fait cette fois entrer dans l’univers d’une bande de geeks travaillant pour une boîte de conception de jeux vidéo. Ethan et ses amis, aussi géniaux en programmation que dépourvus en matière de relations humaines, vont peu à peu se révéler capables eux aussi de s’interroger sur leur mode de vie, de se lier à autrui, voire d’aimer, tandis qu’en périphérie se jouent de petits et moins petits drames – pendant que le père d’Ethan trompe sa femme, cette dernière doit se débarrasser du corps d’un motard qu’elle a malencontreusement tué. L’écriture est comme toujours nerveuse, la forme, souvent étonnante: le récit est entrecoupé d’échanges de courriels, de topos sur SUBWAY® ou autre marque déposée, de formules de programmation informatique, de jeux de rôles abscons auxquels s’adonnent nos geeks entre deux meetings. Ça rebondit, ça s’égare un peu comme chaque fois, mais Coupland est un extraordinaire conteur: il sait nous émouvoir, nous faire rire, isoler le détail qui en dit long sur toute une génération. Autant de plaisirs auxquels on accède une fois familiarisé avec la franchouillarde traduction de Christophe Grosdidier: pour le lecteur québécois, il est décidément étrange d’entendre des jeunes de la Colombie-Britannique parler à la parisienne. Éd. Au diable vauvert, 2010, 532 p.