Élise Turcotte : Ce qu’elle voit
La ville noyée, la ville froide, la ville qui ne parle pas. Dans ce qui est présenté comme un «documentaire poétique», Élise Turcotte visite par les mots une succession de cités, territoires mi-réels, mi-métaphoriques, où l’on croise de rares êtres humains; où tout paraît «défoncé, effondré, sous-marin». Dans ces poèmes d’une sourde beauté, on reconnaîtra Mexico, Kinshasa ou Khartoum, et surtout Ciudad Juarez, à laquelle un segment entier du livre est consacré, intitulé «Journal de la cité des mortes». Juarez, cette ville à la frontière du Mexique et des États-Unis où des centaines de jeunes femmes ont été violées et assassinées depuis 1993. Il y a quelque chose de La Route de McCarthy dans cette poésie d’errance et de sable, qui traque l’humanité dans ses derniers retranchements. Dommage que cette route-ci ne s’étire pas sur quelques pages encore, le tableau y aurait gagné en densité. Éd. du Noroît, 2010, 64 p.