François Lévesque : Esprit de vengeance
Dans son premier roman, François Lévesque dressait un portrait réaliste de l’enfance brisée. La suite, axée sur l’adolescence perturbée, est encore mieux réussie.
L’éditeur prétend qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu Un automne écarlate, paru en 2009, pour apprécier Les Visages de la vengeance. Vrai. Dès les premières pages, François Lévesque revient habilement sur les événements qui ont conduit Francis, le héros de son premier roman, en institution psychiatrique, où il est resté pendant sept ans. Sept années qu’il a consacrées à l’observation de son pédopsychiatre, pour ensuite le prendre à son propre jeu.
Ainsi, lorsqu’il obtient son congé, Francis a presque 17 ans et il pratique l’art de la manipulation avec une désinvolture qui donne froid dans le dos. Si jamais il lui prenait l’envie de commettre des crimes une fois rentré à Saint-Clovis, il serait outillé pour ne pas se faire prendre…
Les têtes se mettent d’ailleurs à tomber quelques jours après son retour. Il faut dire que la réinsertion de l’adolescent dans la communauté se passe plus ou moins bien. Sa mère ayant été internée dans un hôpital psychiatrique après les meurtres commis par son ex-mari, Francis doit s’installer chez sa tante Lucie et son oncle Réjean. Le décor a lui aussi passablement changé depuis 1987, comme il le constate lors de sa visite au club vidéo désormais informatisé; les films d’horreur ne sont plus ce qu’ils étaient, le grunge a envahi les ondes radio et le bois a été remplacé par la mélamine.
Heureusement, certaines choses sont restées pareilles: Geneviève considère toujours Francis comme son meilleur ami malgré ce qu’elle a deviné à son sujet, et Sophie, qui a passé son primaire à torturer Francis, est toujours aussi détestable. Cela étant dit, l’inquiétante aura qui entoure l’adolescent joue en sa faveur au secondaire: on le considère avec un respect mêlé de crainte. Enfin, dès la découverte d’un premier cadavre, un adolescent dont on a crevé les yeux avec des crayons, Francis fait comprendre à la police qu’il n’est pas coupable.
Est-il pour autant innocent? Dès les premières pages, on est aspiré dans l’univers glauque brossé par François Lévesque. On se surprend à espérer que Francis ne soit pas le tueur, même s’il agit de façon suspecte. Le suspense est tellement efficace qu’on se retient à deux mains pour ne pas lire la fin.
Les Visages de la vengeance
de François Lévesque
Éd. Alire, 2010, 320 p.