Paul Auster : Invisible
Quand le jeune Adam Walker engage la conversation avec Rudolf Born, un soir de 1967, il ne se doute pas que vient de se mettre en marche un engrenage qui va broyer sa vie. Le charismatique personnage, un Français qui se présente comme un professeur invité à la School of International Affairs de New York, lui paraît louche dès le début, mais comment résister à un homme qui se dit bientôt prêt à risquer une partie de ses avoirs sur le démarrage d’une nouvelle revue littéraire, dont Walker serait le directeur? Pour l’étudiant de Columbia, c’est un rêve fou qui devient accessible, au diable les risques! Voilà pour le premier segment du nouveau Paul Auster, Invisible. Autour de la page 75, le maître des récits gigognes informe en effet le lecteur qu’il vient de lire le chapitre initial d’un manuscrit envoyé par ledit Walker, en 2007, à celui qui devient le narrateur principal du roman, James Freeman, un écrivain célèbre qu’il avait fréquenté à l’université. Walker se meurt alors d’un cancer et demande son avis à ce Freeman depuis longtemps perdu de vue, dont il pense qu’il pourra l’aider à mener à terme ce texte prétendument autobiographique. Il s’agit du premier rebondissement d’un livre qui en compte plusieurs – y compris l’introduction de thématiques surprenantes, comme celle des amours incestueuses. Un livre difficile à suivre? Aucunement, l’ensemble étant construit avec grand art, le récit s’écoulant avec une fluidité qui n’est pas toujours au rendez-vous chez le romancier. Sans doute le meilleur Auster depuis Le Livre des illusions (2002). Traduit par Christine Le Boeuf. Éd. Actes Sud / Leméac, 2010, 304 p.