Agnès Gruda : Douces trahisons
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Agnès Gruda : Douces trahisons

Agnès Gruda, qui a vécu de belles années à Trois-Rivières, signe avec Onze Petites Trahisons sa première oeuvre de fiction.

Journaliste à La Presse depuis 23 ans, Agnès Gruda nourrissait le fantasme d’écrire de la fiction depuis un bon moment. C’est alors qu’elle profite d’un peu plus de disponibilité d’esprit qu’elle décide de faire le grand saut. "J’avais des débuts d’histoire écrits. Je ne savais pas trop si ça pouvait être transformé en quelque chose de publiable ou pas. Je me suis donné deux étés. J’ai pris de longues vacances où j’ai laissé mûrir ça", résume-t-elle devant un allongé.

Comme l’indique le titre du bouquin, la trahison tisse le lien entre les 11 récits qui le composent. Mais ces baisers de Judas sont-ils si petits, si anodins que ça? Par exemple, une femme refuse d’appeler son frère au chevet de leur mère mourante afin de ne pas être éclipsée par ce dernier; un homme, lors d’un repas entre amis, raconte une curieuse histoire qui engendrera de lourdes conséquences pour un couple. "Sauf peut-être la première, qui est effectivement un peu plus heavy que les autres, la plupart des nouvelles, dans mon esprit, sont en fait des trahisons involontaires. Ce n’est pas par exemple quelqu’un qui va dénoncer des Juifs qui sont dans une cave pour avoir de l’argent. Ce n’est pas quelque chose où les gens savent ce qu’ils font. Ils sont un peu emportés par la situation. Ce sont des gens qui ne veulent pas trahir. Mais il y a quelque chose dans leur vie qui est plus fort: des pulsions contradictoires. Ils sont tirés vers un côté, puis vers l’autre et, à un moment donné, c’est plus fort de ce côté-là. Ce ne sont pas des mauvaises personnes", indique l’auteure.

Comme l’un de ses personnages, Agnès Gruda a toujours le mot juste. Elle compose ainsi des tableaux d’une étonnante clarté. Peut-on y voir une certaine déformation professionnelle? "Non, c’est le contraire en fait. Il a fallu que je me libère de mes tics d’écriture journalistique. Ça a été un processus assez long d’ailleurs. Quand je fais des reportages, j’aime bien que les gens sentent où on est. Mais on a très peu d’espace dans un journal. Il faut y aller très, très vite. Alors, des fois, c’est juste les odeurs, les couleurs, les impressions, deux ou trois adjectifs… Mais là j’avais de l’espace. Dans une première phase, j’ai eu une espèce de revanche sur le journalisme: je mettais beaucoup de mots, je faisais des phrases trop longues. Mais là, c’était trop. Il a fallu que j’épure un petit peu", rit-elle doucement.

Malgré tout le travail exigé, croit-elle répéter l’expérience ou le dossier est-il clos? "Je ne sais pas, dit-elle, songeuse. Mais ce que j’ai compris avec ce livre, c’est que tu ne peux rien forcer. Si j’avais fait ça il y a 10 ans, ça n’aurait pas marché. Mon écriture n’était pas prête, je n’étais pas prête dans ma vie. Alors, je ne sais pas. Peut-être que je vais être prête dans un an, dans six mois. Quoiqu’à un moment donné, il faut se donner un petit coup de fouet, autrement, on procrastine. Mais quand ce n’est pas prêt, ça ne sert à rien."

Onze Petites Trahisons
d’Agnès Gruda
Boréal, 2010, 288 p.

Onze Petites Trahisons
Onze Petites Trahisons
Agnès Gruda
Éditions du Boréal