Jacques Savoie : Une vérité peut en cacher une autre
Le scénariste de la télésérie Les Lavigueur, la vraie histoire signe un polar truffé de rebondissements, qui interroge la notion de culpabilité.
Dans une salle d’audience du palais de justice de Montréal, une jeune accusée se livre à une fusillade qui fera quatre morts, parmi lesquels se trouve le juge qui préside au procès. Puis, elle retourne l’arme contre elle et se retrouve plongée dans le coma.
Voilà la scène de crime qui lève le rideau de Cinq Secondes, le dernier roman de Jacques Savoie. Pourquoi Julie a-t-elle tué son avocat, le juge et un témoin? Qu’est-ce que cache la double identité de Julie? La jeune femme va-t-elle reprendre conscience et expliquer ses actes? Les grandes questions de l’enquête sont mises sur la table dès les premières pages.
Et comme un bon suspense repose autant – sinon plus! – sur les épaules des enquêteurs que sur celles des témoins et accusés, Savoie a eu soin de créer l’attachant personnage de Jérôme Marceau, chargé de faire la lumière sur cette affaire. À la fois métis et manchot, Marceau est né avec une infirmité au bras due à la thalidomide. Mais sa différence est loin d’être le seul obstacle auquel le pauvre bougre soit confronté: tempête de neige historique qui ralentit les déplacements, ingérence politique, rivalités au sein de l’équipe; rien ne lui est épargné.
Savoie, qui a signé les scénarios des Orphelins de Duplessis et des Lavigueur, la vraie histoire, arrive d’abord à accrocher le lecteur en distillant les éléments salés de l’intrigue: double vie, drogue, prostitution. Lentement mais sûrement, l’enquête gagne en envergure, en gravité. Hélas, la parfaite maîtrise de l’art scénaristique s’avère une arme à double tranchant: ceux qui aiment le rythme soutenu, l’action et les dialogues expéditifs seront ravis; les autres auront vite l’impression de lire un film. La narration tente à plusieurs reprises de donner une épaisseur psychologique aux personnages sans arriver à sortir des stéréotypes: Marceau incarne l’enquêteur antihéroïque et asocial, ses collègues jouent les rivaux et la recrue du service est une jeune femme absolument crack de l’informatique (tiens, tiens).
Néanmoins, le livre nous tient en haleine jusqu’au bout. Tant mieux, car la fin est très réussie, inattendue. À quand la version sur grand écran?
Cinq Secondes
de Jacques Savoie
Éd. Libre Expression, 2010, 311 p.