Maurice G. Dantec : Dommages collatéraux
Livres

Maurice G. Dantec : Dommages collatéraux

Avec Métacortex, deuxième volet d’une trilogie, Maurice G. Dantec nous propulse dans une enquête policière qui fera la lumière sur un monde obscur. Le passé nous ouvre les yeux sur une guerre corruptrice.

"Mon point de vue, c’est que la Deuxième Guerre mondiale ne s’est jamais arrêtée." De la part de Maurice G. Dantec, romancier né à Grenoble qui vit au Québec depuis 1997, cette affirmation ne nous surprend pas. C’est en quelque sorte la pierre angulaire d’une pensée géopolitique qu’il a édifiée, depuis quelques années déjà, dans ses romans de science-fiction. Surtout avec Liber mundi, titre d’une trilogie qu’il nous a dévoilée avec Villa Cortex il y a six ans, et dont le deuxième tome, Métacortex, vient de paraître. "Après Hiroshima et Nagasaki, nous n’avons plus de futur, il n’y a qu’un délai", renchérit-il.

Avec ce dernier roman, nous sommes projetés quelques années en avant, en 2018, à la rencontre du lieutenant Paul Verlande de la Sûreté du Québec. Ce destin croise celui de Victor Voerlandt, son père, qui porte en lui des souvenirs d’ancien soldat nazi. Le pont est ainsi construit entre deux générations. "L’épopée tragique du père du héros, ce jeune Alsacien qui est incorporé de force dans les SS et envoyé sur le front russe, est aussi en rapport avec le présent. Il est en lien avec son fils déjà, mais sa vie est liée avec ce qui se produit aujourd’hui."

CERCLES CONCENTRIQUES

L’expérience de Voerlandt est ainsi devenue pour Dantec le prétexte idéal pour aborder deux conflits symboliques situés à Varsovie, en Pologne. Premièrement, l’insurrection du 19 avril 1943, où les Juifs polonais ont mis en oeuvre une guérilla sanguinaire contre l’envahisseur nazi. Un an plus tard, c’est l’avancée en masse de l’armée soviétique sur cette même ville et le début de la fin pour le régime d’Hitler. "L’insurrection de Varsovie, c’est avant tout la première vraie guerre souterraine. Tout ce qui est souterrain dans le livre a une importance particulière", précise-t-il.

"Les deux conflits dans cette ville ont paramétré la guerre à venir, continue-t-il. Par exemple, cette invention de la lunette à infrarouge par les Allemands nazis. Ça semble anodin, mais le fait qu’un soldat puisse voir la nuit a changé toute la nature de la guerre. J’ai raccordé ainsi cette découverte avec la venue des mammifères nocturnes qui ont foutu la branlée, excusez-moi l’expression, aux dinosaures avant l’astéroïde. Ces mêmes mammifères dont nous sommes les descendants. Le roman n’est pas une machine que je contrôle, et dans ce roman les cercles concentriques se sont mis en place d’eux-mêmes. Mais ça passait par Varsovie."

Au fil de cette narration détaillée, quelques citations du philosophe et essayiste français Joseph de Maistre (1753-1821) forment un critérium philosophique qui tente de justifier le combat de Verlande. "J’ai découvert Joseph de Maistre un peu avant l’écriture de Métacortex. Avec Éclaircissements sur les sacrifices et d’autres livres, ça m’a apporté une forme de "lumière", un peu paradoxale d’ailleurs. En même temps, le christianisme choque le sens commun par définition, la thèse principale de Joseph de Maistre étant que les innocents satisfont pour les coupables. Ils payent pour les coupables et ils portent sur eux la culpabilité des hommes mauvais."

INACTION HUMAINE

Dans ce futur proche où le chaos est marqué, entre autres, par les gains écologiques de certains consortiums, un constat émerge. L’auteur y décortique ainsi une vision claire et ses convictions sont transparentes. "Si vous voulez, j’ai une position un peu radicale sur le sujet, admet-il. Je ne crois pas que les problèmes climatiques d’aujourd’hui soient le fait de l’action humaine. Pour la simple et bonne raison que l’homme n’agit pas sur cette planète. Il ne fait rien. Nous avons les moyens de la "terraformer", cette putain de planète. Dans le meilleur des cas, les écologistes, eux, nous promettent un monde dans lequel les productions industrielles seraient stoppées. Alors là, bravo! Donc, si je comprends bien, ça fait des millions d’années que l’homme se construit en reconstruisant la nature – une forme de "déconstruction créative" -, et maintenant la solution à cette inaction, j’insiste sur ce mot, serait de tout arrêter? Entre l’inaction positive et l’inaction totale, franchement…"

Des propos qui nous montrent bien que l’écrivain n’a rien perdu de son caractère polémiste. Mais des propos qui tentent aussi de faire la lumière sur ce qui aurait pu être l’idéal selon lui. "Honnêtement, je pensais que l’homme aurait pu dépasser cette dialectique stupide. Maintenant, j’en ai pris mon parti: l’homme a préféré le confort et aller droit dans le mur."

Métacortex
de Maurice G. Dantec
Éd. Albin Michel, 2010, 816 p.

À lire si vous aimez /
Neuromancien de William Gibson, la musique de Fluxwire

Métacortex
Métacortex
Maurice G. Dantec
Albin Michel