Laurent Binet : HHhH
Le plus récent livre de Laurent Binet, lauréat du Goncourt du premier roman, tient plus de l’essai historique, ou encore du journal intime, que de l’oeuvre romanesque. Si l’on a souvent reproché à Jonathan Littell de prendre quelques raccourcis historiques pour ses Bienveillantes, Binet, lui, fait le pari de la vérité absolue. Tous les noms, faits et dates reportés dans son livre sont rigoureusement vérifiés.
HHhH témoigne de deux histories. La petite, celle d’un romancier qui, face à un épisode particulièrement palpitant de la Deuxième Guerre mondiale, tient à tout prix à résister à la tentation de dénaturer les faits en les romançant. Et puis la grande, celle de la campagne Anthropoïde, mission d’assassinat, par la résistance tchèque, du Bourreau de Prague, le glacial Reinhard Heydrich, surnommé HHhH. Himmlers Hirn heibt Heydrich: le cerveau de Himmler s’appelle Heydrich!
Binet entrecoupe son récit de ses réflexions personnelles sur son projet littéraire. De quel droit l’auteur se permet-il de prêter des dialogues à des personnages historiques? D’ajouter des détails qui risquent de se révéler mensongers afin de répondre à un quelconque besoin stylistique? On a rarement lu un auteur si bien décrire les angoisses de l’écriture. Bref, Binet est un romancier repentant face à la vie, conscient que le vécu sera toujours supérieur à l’écrit. Il a su tirer de ses doutes un livre profondément humain, terriblement original. Éd. Grasset, 2010, 442 p..