Natasha Beaulieu : Comme une seconde peau
Quatre ans après la conclusion des Cités intérieures, Natasha Beaulieu propose Le Deuxième Gant. Un roman difficile à cerner, mais impossible à lâcher.
Christine Fortier
Le Deuxième Gant est-il un suspense ou une histoire d’amour sadomasochiste? Chose certaine, ce n’est pas un roman fantastique comme l’était le cycle Les Cités intérieures.
D’un côté, il y a la quête du personnage principal, Marie-Aile Paradis. Depuis une dizaine d’années, la jeune femme vit en automate, prise au piège d’une relation avec un conjoint violent et d’un emploi qui l’ennuie. Un matin, en se rendant au travail, elle croise dans le métro une femme qui lui remet un gant. Troublée par cette rencontre et surprise d’éprouver du désir pour une femme, Marie-Aile décide de retrouver l’inconnue grâce aux lettres inscrites à l’intérieur du gant.
De l’autre côté de l’intrigue imaginée par Natasha Beaulieu, il y a les machinations de Sheeman Schlitz, l’inconnue du métro. Grâce à un simple gant, elle chamboule toute l’existence de Marie-Aile. En voulant faire le ménage dans sa vie, Marie-Aile doit affronter les fantômes de son passé et choisir la voie qui lui convient. Mais est-elle vraiment maîtresse de ses décisions ou la victime de jeux de pouvoir malsains? À ce sujet, quand débute la seconde partie du roman, la narration passe de la troisième à la première personne. L’auteure veut-elle ainsi illustrer les changements à venir dans la vie de son héroïne?
En dévoilant le passé de Marie-Aile, marqué par la mort de son père et la relation ambiguë que l’héroïne a entretenue durant son adolescence avec son aîné, l’auteure ne fait pas que créer une ambiance de mystère, elle suscite aussi le malaise. On est à la fois attiré par le romantisme de l’histoire d’amour qui se dessine entre Marie-Aile et Sheeman, et troublé par ses ramifications.
Qu’elle soit victime ou participante consentante, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les décisions de Marie-Aile. Mais peut-on vraiment la juger? Avec une habileté désarmante, Natasha Beaulieu brosse un univers déstabilisant, chargé du mystère qui entoure le monde fétichiste. Elle réussit à entretenir le suspense jusqu’à la fin, et c’est probablement la plus grande force du Deuxième Gant. Petit à petit, l’auteure livre les secrets de ses personnages, sans jugement moralisateur. Et on ne parle même pas de l’étonnante conclusion.
Décidément, Le Deuxième Gant est un roman inclassable, un peu comme son auteure.
Le Deuxième Gant
de Natasha Beaulieu
Éd. Alire, 2010, 548 p.