Marek Halter : Le sage et la bête
Marek Halter ressuscite le golem avec Le Kabbaliste de Prague.
Au 5400e siècle du calendrier juif, notre 16e siècle, le rabbi Loeb, dit Le MaHaRal, reconnu comme le plus grand maître de la kabbale de tous les temps, s’apprête à donner vie au golem, un géant vengeur fait de glaise et de boue.
C’est parce que sa petite-fille Eva a vu son mari se faire dépecer vivant par des chrétiens alors que, encore une fois, le ghetto de Prague était réduit en cendres par un pogrom que le kabbaliste créa le monstre, ce colosse né du verbe pour défendre son peuple. Il faut dire que partout, les chrétiens s’attaquaient aux juifs, qui "depuis bientôt mille six cents ans, étaient les fils de Judas, le peuple qui avait trahi le Christ, […] la cause de leur souffrance".
Si la naissance du golem est l’élément central du roman, peu de pages lui sont consacrées. Ni même au MaHaRal, son créateur. C’est plutôt David Gans, l’un des disciples du rabbi Loeb, qui est le héros de ce conte. Un homme simple mais brillant, un rabbi cosmographe ballotté par le cours de l’histoire qui le place sur le chemin de grands penseurs comme Galileo Galilei ou Tycho Brahé, architecte de l’Uraniborg, le plus bel observatoire astronomique de son époque. Ce David Gans, passé à l’histoire parce que l’un des rares à avoir approuvé la théorie héliocentrique de Nicolas Copernic, tombera amoureux d’Eva, petite-fille de son maître. Il mettra ainsi en branle une série d’événements tragiques.
Marek Halter est un conteur. Il mêle histoire et légendes, philosophie et romance. Sa langue, claire, est porteuse de sens. L’auteur a toujours été un ennemi du "feu, du fer et de la haine". Ici encore, il prouve qu’il est un digne héritier de la mémoire d’Abraham à laquelle il a si souvent donné souffle et beauté. Seule ombre au tableau, s’il en est une: le moralisme un peu étouffant du livre qui vient fréquemment alourdir une oeuvre par ailleurs forte et originale.
Le Kabbaliste de Prague
de Marek Halter
Éd. Robert Laffont, 2010, 284 p.