Ray Robertson : La vie bohème
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Ray Robertson : La vie bohème

S’inspirant du destin d’un musicien méconnu, Ray Robertson signe Les Nourritures mélancoliques où il nous transporte au coeur de l’époque peace and love.

On a beau crouler sous l’offre festivalière, la nostalgie de cette époque bénie de la musique qu’ont été les années 1960 et 1970 demeure vive, même chez ceux qui n’étaient pas encore nés. Dans son roman Les Nourritures mélancoliques, récemment traduit de l’anglais, le Torontois Ray Robertson nous fait vivre comme si on y était l’ascension d’un groupe de country-rock articulé autour d’un charismatique guitariste-chanteur nommé Thomas Graham.

À travers les yeux de Bill, libraire devenu batteur malgré lui au sein de la Duckhead Secret Society, on suit la trajectoire du quatuor, d’un quartier hippie de Toronto jusqu’aux studios d’enregistrement de Los Angeles. C’est aussi toute une époque qui reprend vie: sur fond de guerre au Vietnam, la métropole canadienne fait sien l’esprit libertaire de la contre-culture et vibre à la clameur des manifs.

Avec réalisme, le roman fait renaître ce climat où tout paraissait possible, conservant un style transparent, parfois au ras des pâquerettes. Facile à lire et à suivre, on regrette que le texte ne rende pas davantage justice à l’extraordinaire effervescence créative de son sujet.

En effet, Thomas Graham poursuit un idéal qu’il a baptisé la "musique interstellaire nord-américaine", une musique qui ne ferait pas que fusionner les styles, mais saurait les transcender. Le roman n’entretient pas les mêmes ambitions et s’affaire plutôt à tracer un portrait honnête de Thomas et Bill et de leurs nuits passées à bosser sur des chansons en se fouettant les sangs: alcool, marijuana, speed, cocaïne, toute la pharmacopée d’usage y passe.

Robertson, qui enseigne la création littéraire à l’Université de Toronto, dit s’être librement inspiré de Gram Parsons pour créer son personnage principal. Étoile filante de la musique country américaine, Parsons est mort en 1973 à l’âge de 26 ans. La plus grande partie de son oeuvre macère dans l’oubli, à l’exception de son amitié avec Keith Richards qui inspira à ce dernier la magnifique chanson Wild Horses.

Les Nourritures mélancoliques, à l’image de Parsons, ne révolutionne rien, mais sait faire vibrer les bonnes cordes. Et ce n’est pas parce qu’on connaît la chanson qu’on ne prend pas plaisir à l’entendre.

Les Nourritures mélancoliques
(traduction de Moody Food)
de Ray Robertson
VLB éditeur, 2010, 393 p.

Les Nourritures mélancoliques
Les Nourritures mélancoliques
Ray Robertson
VLB éditeur