Au début du siècle dernier, Montréal vit sa première période de théâtre francophone professionnel, ce qui permet la naissance d’une critique sérieuse dans les hebdomadaires. Hervé Guay, ancien critique du Devoir aujourd’hui professeur et collaborateur de la revue Spirale, décortique rigoureusement les formes de cette critique naissante et analyse l’action de ses principaux praticiens. La tâche n’est pas aisée, sachant que les archives sont plus ou moins bien conservées, que le genre n’est pas très stable et que nombre de ces journalistes abusaient de pseudonymes. L’Éveil culturel est donc un travail exemplaire, livré dans une langue claire et concrète, avec un admirable souci d’accessibilité: un ouvrage appelé à devenir une référence incontournable. De la thèse doctorale d’origine subsiste toutefois une tendance à la sur-synthèse: attitude qui servira mieux les étudiants et chercheurs que le simple lecteur. N’empêche, on y découvre que les liens insidieux entre critique et publicité ne datent pas d’hier; on s’y prend à regretter des formes disparues comme la caricature de théâtre, mais surtout, on constate une parole critique très affirmée. Malgré le respect de règles morales dictées par le clergé et la soumission totale à la France comme référence culturelle absolue, des critiques de la première heure comme Frédéric Pelletier, Gustave Comte ou Roger Valois auront, de toute leur fermeté, pavé la voie du développement du théâtre francophone et même de l’affirmation de l’identité nationale. Leur exigence, leur plume soignée et leurs points de vue tranchants en ont fait des critiques très engagés. Presses de l’Université de Montréal, 2010, 350 p.