Francis Desharnais : Libérée du voile
Armé de son encre au cynisme léger, l’artiste Francis Desharnais récidive avec la sortie du tome 2 de sa bande dessinée acclamée par la critique, Burquette.
Alberte est de retour. À l’origine des aventures de cette jeune adolescente esclave de la mode et de la superficialité, un père intellectuel, intransigeant et maladroit, qui l’oblige à porter une burqa pour l’ouvrir aux réalités du monde dans lequel elle vit. Devenue Burquette, Alberte porte désormais le voile de la différence, que l’auteur de la bande dessinée s’amuse à analyser sous le couvert des perceptions de nos sociétés occidentales.
De son premier tome, on retient les croquis naïfs et nerveux de son crayon, le commentaire social émouvant des relations parents-enfants, ainsi que le jugement provoqué par le port d’une burqa. Un humour mordant, qui évite les préjugés faciles et les critiques religieuses. Voilà ce que Francis Desharnais nous avait offert avec la parution de Burquette, en 2008.
Pour ce nouveau tome, le bédéiste souhaite passer à autre chose. "Avec Burquette, ce qui m’intéresse, c’est l’exploration de thèmes bien précis. Sans vouloir mettre complètement la burqa de côté, je désirais mettre en relief le contraste de phénomènes tels que la pauvreté et l’exploitation des enfants qui côtoient l’opulence néfaste du culte de la célébrité. Pour traiter de ces thèmes, un récit davantage balisé s’est avéré nécessaire, puisque je voulais qu’Alberte parte en voyage. Ça reste des strips, mais l’histoire suit un cours chronologique plus soutenu."
Alberte se voit donc libérée à la fois de sa burqa et de l’emprise tyrannique de son père par la perspective d’un voyage en Asie et d’une cohabitation avec sa mère. Un moment fort de l’oeuvre, cette mère strip-teaseuse qui ne veut pas d’elle, malgré l’alarmant besoin d’Alberte de s’échapper des griffes idéalistes de papa. "Je pense que c’est plausible, oui. Ça existe des parents qui ne souhaitent pas s’occuper de leurs enfants. Comme ça existe des parents qui veulent trop modeler des enfants parfaits, comme le père d’Alberte."
Là-bas, Alberte est confrontée à l’exploitation des enfants dans les usines de textile, alors que ses préoccupations sont davantage centrées sur "la réalité de la plage et du monokini". Un contraste poignant anime les mises en situation de Desharnais, qui soumet Alberte, entre autres, au fiel anonyme du Web et à l’exposition médiatique. L’artiste de Québec fait ainsi un lien étonnant avec la burqa du premier tome, parce qu’elle s’est transformée en véritable symbole. "La burqa a marqué Alberte, elle agit comme une barrière entre elle et le monde extérieur, lorsque l’angoisse ou le malaise deviennent insoutenables."
Tout cela avec un ton et un humour légers auxquels le dessin s’accommode à merveille.
Burquette, c’est une guirlande de petits moments rafraîchissants et candides, des moments qui nous font réfléchir par le sérieux et l’actualité de leur trame de fond.
Burquette, tome 2
de Francis Desharnais
Éd. Les 400 coups, 2010, 72 p.
Lancement le 15 septembre
Au Studio P
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