Pascale Quiviger : La disparition
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Pascale Quiviger : La disparition

Pascale Quiviger signe un thriller poétique retraçant la disparition d’une jeune femme aux étranges pouvoirs.

Quelques jours après la disparition de Clara Chablis, un cadavre mutilé et couvert de brûlures est retrouvé dans une décharge publique, qui correspond en tous points au signalement de la jeune femme. Menant l’enquête, l’inspecteur Bernard Lincoln convoque à la morgue les trois personnes les plus proches de la supposée victime afin d’identifier le corps. C’est là que les choses se compliquent alors que la mère de Clara, une prostituée âgée, jure reconnaître sa fille, tandis que son petit ami s’entête à affirmer qu’il s’agit d’une autre personne. Quant à la meilleure amie de Clara, Rose, dont le témoignage pourrait aider à discerner la vérité, celle-ci refuse de se prêter à l’exercice, qui pourrait aggraver son fragile état psychologique…

Quelle oeuvre atypique que celle de Pascale Quiviger, romancière québécoise installée en Angleterre et lauréate du prix du Gouverneur général en 2004 pour son roman Le Cercle parfait! Dans La Maison des temps rompus, qui a reçu un bel accueil critique en 2008, Quiviger proposait une intrigue où le fantastique faisait une irruption subtile dans le quotidien de la nouvelle propriétaire d’une maison qu’elle seule parvenait à atteindre. Un livre où les histoires et les drames personnels de différentes femmes se superposaient à ceux de l’héroïne, formant une sorte de mosaïque que l’on n’a pas manqué de qualifier de hautement poétique.

Pages à brûler nous rappelle ce dernier roman, la réalité brute ne suffisant pas à expliquer la disparition du personnage et les divers narrateurs se succédant dans un véritable concert de voix, toutes liées (de près ou de loin) à l’énigmatique Clara, dont la présence et les dons divinatoires apportaient la paix chez ceux qui la côtoyaient: amie, amant, famille, écrivain mourant, pyromane en détresse… S’ouvrant sur le ton du polar avec un compte rendu d’enquête que Bernard Lincoln adresse à sa femme pour se faire pardonner ses absences au foyer, le texte se déploiera par la suite dans des directions inattendues. L’auteure prêtera la plume à différents témoins passés et présents, dont certains sont même morts avant la naissance de Clara, développant le mystère de sa personnalité lumineuse, mais sans proposer d’élucidation complète à l’intrigue policière en tant que telle. Là aussi s’exprime la poésie de Quiviger qui laisse une large place à l’interprétation du lecteur.

Il y a néanmoins un petit quelque chose qui sent le fabriqué dans ces Pages à brûler qui hésitent longtemps à s’inscrire dans un contexte géo-culturel quelconque, avec ses noms de personnages un peu trop littéraires, ses vagues toponymes et ses référents culturels quasi absents, sauf dans la dernière partie, écrite par un étudiant en histoire de l’art qui les enfile au contraire comme des perles… Mais on ne peut s’empêcher de se laisser prendre au style unique de Quiviger (lequel se transforme au gré des différentes narrations), de même qu’à l’émotion contenue, jamais débordante, que dégage chacune des destinées qui nous sont tracées ici, la violence et les difficultés de la vie débouchant invariablement sur de belles notes d’espoir.

Pages à brûler
de Pascale Quiviger
Boréal, 2010, 256 p.

Pages à brûler
Pages à brûler
Pascale Quiviger
Boréal