Sarah Waters : L’Indésirable
L’Indésirable est une lecture dévorante: si vous aimez un tant soit peu les romans gothiques ou fantastiques, vos temps libres et vos nuits y passeront. Dans l’Angleterre de l’après-guerre, la famille Ayres est criblée de dettes. La mère est veuve et ses deux enfants, dans la vingtaine, habitent avec elle. Leur maison, Hundreds Hall, tombe en ruine. Alors que la santé du fils se détériore, une succession d’étranges événements se produisent, dont est témoin un ami de la famille, le narrateur, Dr Faraday. Un scénario peu original a priori. Pourtant, dès l’amorce, un subtil envoûtement se met en place, et nous voilà plongés dans cet état qui juxtapose les corridors sombres et les tapisseries en lambeaux aux dédales d’un esprit en proie à la déraison.
Impossible de ne pas penser à La Chute de la maison Usher (le jeune châtelain de Waters porte d’ailleurs le même prénom que celui imaginé par Poe, Roderick) ou au Tour d’écrou, un chef-d’oeuvre centenaire signé par Henry James. Même importance du lieu, même claustrophobie liée à la promiscuité familiale, même déséquilibre entre l’interprétation rationnelle des faits et la puissance surnaturelle – de toute façon, la raison pure et dure fait de la mauvaise littérature. Pendant 571 pages, l’auteure arrive à tenir le rythme et à divulguer toujours juste ce qu’il faut pour intriguer, pour inquiéter, sans brûler ni ennuyer. Une telle maestria se révèle rarement. Le livre idéal pour les journées pluvieuses et froides que nous réserve l’automne. Éd. Alto, 2010, 571 p.