Véronique Fortin : La morale d’une mère normale
Des émotions toutes simples. Celles qui sont partagées par tous les parents du monde. Inquiétude, espoir, découragement… On parle de choses normales avec Véronique Fortin.
Tous les sentiments maternels, de l’amour à l’exaspération. La vérité dans ses habits de tous les jours. Des histoires banales et uniques à la fois, charmantes anecdotes montrant jusqu’où peut aller une mère lucide qui choisit de rester auprès de ses filles, coûte que coûte.
Parce qu’il en coûte, selon Véronique Fortin, auteure du Journal irrévérencieux d’une mère normale – et du blogue qui en est à la source, Pépine sur un fil.
Ce qui rend le discours de la mère normale si intéressant, c’est la façon dont elle envisage la maternité, à mille lieues des clichés portés par la prétention à un instinct maternel – une absurdité, selon la blogueuse, qui se moque un peu de ceux qui s’enferment dans une image un peu factice de bonheur sans anicroche. "J’ai quelques amis pastel…" rigole-t-elle avec cette franchise dont elle fait preuve à tout coup.
UN DOUTE NORMAL
Le Journal irrévérencieux s’élabore à partir de l’expérience des jours, celle qui enseigne qu’un amour inconditionnel pour ses enfants ne signifie pas l’acceptation de tout.
Avec Véronique Fortin, on apprend par essais et erreurs, il n’y a pas de recette ni de solution miracle. Le doute est normal – "Je me demande pourquoi je n’ai pas plutôt adopté un furet", admettra la maman de l’histoire dans une période de découragement. Mais en entrevue, la mère blogueuse se montre beaucoup plus sereine par rapport à sa décision de vivre avec ses deux filles à la maison: "Les enfants, c’est vraiment la première chose que je fais jusqu’au bout. Même si on n’a pas instinctivement les compétences, ça s’apprend."
Plusieurs chroniques, malgré la simplicité de leur propos, portent à réfléchir sur la façon dont sont traités nos petits chérubins dans le Québec d’aujourd’hui. Car on vit dans une société où l’on a fini par se faire croire qu’envoyer nos enfants à la garderie était nécessaire pour aider au développement de leur système immunitaire – la mère normale s’abandonne à un rire amer en évoquant ce discours entendu trop souvent.
Le journal est aussi porté par une réflexion sur le poids des attentes qui alourdissent les épaules des parents alors que les principes de l’efficacité et du rendement sont appliqués même à la vie familiale. Une pression que l’auteure, comme tellement d’autres parents, avoue avoir vécue difficilement.
LES SUITES
L’intérêt porté au livre de Véronique Fortin depuis son lancement en septembre la surprend tous les jours un peu plus. Sans se montrer ingénue – ça ne lui ressemblerait pas du tout -, elle avoue ne pas être toujours à l’aise avec la vie publique. "Le gros des entrevues est passé, conclut-elle avec soulagement. C’est une vie que je ne connaissais pas." Mais elle avoue être flattée par la réception des lecteurs, desquels elle reçoit plusieurs missives. "Quand on choisit de vivre à la maison avec ses enfants, on accepte toutes les conséquences. Il n’y a pas de grosse gommette pour nous féliciter. Mais ça…"
Quelques minutes avant l’entrevue qu’elle accordait à Voir, Véronique Fortin apprenait de son éditeur qu’un deuxième tome serait publié au cours de la prochaine année. La vie de famille suit son cours, charriant avec elle son lot d’anecdotes toutes plus truculentes les unes que les autres. L’auteure n’a pas fini d’écrire les aventures de Maman, Lou, Gabrielle et l’Homme.
Normalement, c’est une histoire à suivre.
Journal irrévérencieux d’une mère normale
de Véronique Fortin, illustrations de Rémy Simard
Éd. La Bagnole, 2010, 178 p.
Véronique Fortin sera présente au Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean du 1er au 3 octobre.
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Le Journal irrévérencieux d’une mère normale, d’abord publié sous forme de blogue – voir le site www.pepinesurunfil.com, que l’auteure continue d’alimenter régulièrement -, saura faire écho au vécu de n’importe quel parent d’aujourd’hui. Absolument pas moralisateur, c’est l’oeuvre d’une mère qui ne se prend pas pour un modèle de sainteté, et qui tout à la fois ne transforme pas son quotidien en un cirque destiné à faire rire son cercle de lecteurs. Il s’agit plutôt de propos sensés, des pincées de bonheur ici et là qui ne sont pas toujours vides d’une certaine conscience… Des moments de découragement, aussi, authentiques et convaincants. Des propos font le portrait des jeux et des stratégies mis en branle par une mère aussi imparfaite que toutes les autres, pour éviter les conflits inévitables et tuer les tensions vives… sans jamais briser le rêve et l’innocence de ses petites terroristes. Une vraie vie de famille en quelques pages écrites sans ménagement, presque sans censure. Une authenticité qui agit comme un baume sur les incertitudes des jeunes parents. Un chocolat chaud pour l’âme.