À l’instar de Salvador Dalí, c’est dans ses rêves que Fannie Langlois puise l’inspiration. Après avoir publié en 2004 L’Urne voilée, un recueil de prose à la croisée du rêve et du voyage, la jeune auteure signe avec Une princesse sur l’autoroute son premier roman.

On y fait connaissance avec Laïka, évadée d’un inquiétant laboratoire où elle était détenue depuis l’enfance. Recueillie aux abords de l’autoroute avant qu’elle ne périsse par le froid, la jeune femme cherche à survivre et à comprendre les raisons de sa détention. Cette quête douloureuse, qu’on imagine liée à l’éclatement de la cellule familiale, constitue le coeur du livre. À cela se juxtaposent les destinées de Magdala puis d’Éléonore, deux femmes en fuite dans un Moyen Âge embrasé par les croisades.

À travers les âges, ces trois destins se répondent dans ce que l’auteure décrit comme "un jeu d’écho" et qui porte la marque du féminin. "Je m’intéresse aux différentes perceptions qu’on a des femmes. Par exemple, je me suis inspirée de Marie Madeleine, qu’on peut voir comme une pure innocente, comme une prostituée ou encore comme une philosophe. Ces trois perceptions de la femme se retrouvent dans le livre." Et dans chaque personnage, en dépit des archétypes. "Je voulais aussi parler des femmes au Moyen Âge; j’ai choisi les Cathares particulièrement parce qu’eux considéraient que les hommes et les femmes étaient égaux. Il y avait des femmes fortes au Moyen Âge, contrairement à ce qu’on pense."

Mais le choix de mettre en scène des personnages médiévaux n’est pas simplement idéologique. Il découle d’une intuition, presque une révélation, vécue par l’auteure. Très attentive au contenu de ses rêves, Langlois raconte que deux images issues de sa vie nocturne ont servi de bougie d’allumage au roman: "une jeune femme assise près d’une fenêtre" et "un château" dont la vision est si forte que Langlois cherchera à le retrouver lors de différents séjours en Europe.

Cette quête insensée n’aura pas le dénouement espéré mais lui fera découvrir un château à l’intérieur duquel elle ressent fortement l’existence, à une autre époque, d’une femme ayant beaucoup souffert entre ses murs. Les personnages médiévaux naissent de cette vision initiatique, fruit d’une sensibilité créatrice plus que d’un penchant ésotérique. Langlois, qui dit "vivre sa vie comme un rêve éveillé", possède cette sensibilité. C’est là, dans sa genèse et dans sa construction, que réside la part d’onirisme du récit, et pas tant dans le style. En outre, Langlois offre un roman qui parle de l’arrachement, de la difficulté de refaire sa vie à partir de rien et qui pose la question: qu’est-ce qui, de nous, traversera le temps?

Une princesse sur l’autoroute
de Fannie Langlois
Éd. Triptyque, 2010, 123 p.

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Une princesse sur l’autoroute compte trois histoires en une, trois destins de femmes, à des époques différentes et sur deux continents. Toutes trois sont liées par une mission, un secret, qui doit traverser les âges. C’était un vaste programme, et la jeune auteure s’en tire avec honneur. Les multiples voix se répondent et laissent juste ce qu’il faut de mystère pour qu’on ne sache jamais où exactement tracer la ligne entre réalité et fiction, entre vérité et fabulation. Le mode onirique teinte la narration sans jamais l’étouffer. Et la voix principale, celle de Laïka, parvient à captiver en créant le suspense autour de ce qui s’est passé dans le labo où elle était l’objet d’étranges expériences. En revanche, le roman n’évite pas quelques pelures de banane: les personnages manquent de profondeur (difficile de faire autrement avec tant à dire et si peu de pages) et le sens général de la mission qui doit lier les trois femmes finit par nous échapper. Ces maladresses abîment un peu la trame sans trop discréditer l’ensemble, si bien que la princesse réussit à faire sa place au soleil.