Salon du livre de l'Estrie : Salon mortuaire?
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Salon du livre de l’Estrie : Salon mortuaire?

À l’aube du 32e Salon du livre de l’Estrie, Voir interroge trois acteurs de la littérature en région sur sa pertinence. Réponses partagées pour un événement en quête d’identité.

Des chaleureux foyers du Centre culturel de l’Université de Sherbrooke jusqu’au Centre de foires où il devrait élire domicile l’an prochain, en passant par le soviétique édifice d’Expo-Sherbrooke, les pérégrinations du Salon du livre de l’Estrie composent une éclairante métaphore de la quête d’identité d’un événement qui peine à gagner la crédibilité qu’il devrait imposer, en panne de sex-appeal, incapable de séduire l’écrivain de renom.

Vous voulez réfuter mano a mano les thèses étayées par Louis Hamelin dans son plébiscité La Constellation du lynx? Vous voulez confier à Jean-François Beauchemin que vous avez reconnu votre propre famille dans celle de son récent Le temps qui m’est donné? Ce n’est pas à Sherbrooke que cela se passera. Et même si cette année "Le Salon s’illustre" en faisant une place de choix à l’illustration et à la bédé, vous ne pourrez rencontrer ni les auteurs de Mécanique générale, ni ceux de La Pastèque, pourtant deux des plus novateurs fleurons du neuvième art au Québec. Consolation (?): l’épouse du premier ministre du Québec viendra présenter son humanitaire bouquin de table à café (en entrevue avec la chef d’antenne du Téléjournal Estrie, Marie-Pierre Roy-Carbonneau, le 14 à 17h30).

Suzanne Pouliot, présidente de l’Association des auteures et auteurs des Cantons de l’Est (le Salon était à l’origine une créature de l’AAACE; un représentant siège toujours à son conseil d’administration) se désole de cet état de fait tout en adoucissant le trait. "Je souhaiterais qu’il y ait plus de maisons d’édition représentées, tout en sachant que certaines d’entre elles ne peuvent se déplacer, faute de moyens financiers appropriés. Elles préfèrent ne faire que les trois plus gros salons en province: Montréal, Québec et celui de l’Outaouais." L’AAACE pallie l’absence des écuries publiant certains des écrivains les plus en vue de la région avec son traditionnel lancement collectif (le 15 à 19h) et en mettant à leur disposition son kiosque pour des séances de dédicace.

Pour André Marquis, poète et romancier (Les Noces de feu, Tryptique, 2008), l’idée même d’un salon du livre, à l’heure des iPad et autres Kindle, arriverait à la fin de sa vie utile. "Je crois que le concept usuel est de moins en moins pertinent, explique-t-il par courriel. Aujourd’hui, on peut avoir accès à de multiples textes en ligne ou faire ses achats chez soi en cliquant sur un bouton. À l’exception des grands salons qui présentent des écrivains de renom et des ouvrages mal servis par le réseau des librairies, je ne vois pas pourquoi je paierais pour avoir accès à ce que l’on trouve un peu partout."

Reste le lectorat jeunesse, une masse critique de visiteurs indéfectibles et obligés du SLE, qui courent les signets et enlacent leurs auteurs adorés. Amélie Bibeau sera de ceux-là cette année avec le tome inaugural des aventures de Lili-la-Lune, Papillon de nuit (Vents d’Ouest), un roman pour adolescentes dans la lignée du Journal d’Aurélie Laflamme, et n’allez pas lui parler de la possible vétusté du Salon. "C’est un réel plaisir d’en faire le tour chaque année. Ce sera ma première fois comme écrivain en séance de signature et j’ai hâte de vivre cette belle expérience."

Pouliot et Marquis s’entendent par ailleurs sur la nécessité de nouveaux moyens de diffusion pour la littérature en région. La présidente pense qu’une maison des lettres sise au coeur de Sherbrooke permettrait à ses membres d’entrer en relation avec leurs lecteurs. L’écrivain est d’avis quant à lui que l’on devrait investir des lieux pas strictement dévolus aux livres: les arénas, les parcs, la promenade autour du lac des Nations. Paris a bien ses bouquinistes sur le bord de la Seine!