Salon du livre/Danielle Laurin : Terrain miné
Promets-moi que tu reviendras vivant: le titre poignant du nouvel ouvrage de Danielle Laurin marque l’imaginaire. Entre témoignages troublants et réflexions intimes, l’auteure livre un récit très personnel sur le journalisme à haut risque.
En 2006, la journaliste, chroniqueuse, critique littéraire et auteure québécoise Danielle Laurin publiait trois ouvrages dont Duras, l’impossible. Au gré des pages, elle se confiait, racontant aux lecteurs comment la grande écrivaine française avait changé sa vie.
Avec son petit dernier, Laurin se mouille. Elle sort de ses gonds, vocifère. Au lendemain du 11 septembre 2001, son mari journaliste s’apprête à s’envoler vers l’Afghanistan comme reporter de guerre. C’est le début d’une série de départs déchirants. L’homme qu’elle aime, le père de ses enfants, propulsé sur les champs de bataille. La peur l’envahit. Une question survient alors: le meilleur reportage vaut-il la mort d’un journaliste? "Ce questionnement m’empêchait de dormir, me mettait en colère. J’étais tout le temps inquiète", confie l’auteure.
Pour comprendre les motivations qui poussent son mari à risquer sa vie, elle enfile son chapeau de journaliste et interroge 18 reporters de guerre dont Florence Aubenas, Anne Nivat, Michel Cormier, Céline Galipeau et Roger Auque. "Avec mon chum, on n’arrivait pas vraiment à en parler. Rencontrer ces gens, c’était une façon d’essayer de le comprendre", soutient la femme de lettres.
La femme et la journaliste
Dans Promets-moi que tu reviendras vivant, Danielle Laurin se dédouble: la journaliste recueille l’information, tandis que la femme interpelle son mari. Les témoignages et les réflexions personnelles se chevauchent, se répondent. Un style d’écriture qui s’est imposé à elle: "Mon approche est journalistique, mais j’ai écrit avec mes tripes. Tout ce que j’avais accumulé sortait. J’ai travaillé quatre ans sur ce livre, mais il est à l’intérieur de moi depuis octobre 2001", affirme-t-elle.
Le lecteur, lui, plonge dans un monde pétri d’émotions, tout en découvrant les coulisses du métier: "Ça fascine les gens de voir l’humain derrière le reportage, de constater ce qu’il vit sur le terrain, de connaître ses peurs et les risques qu’il prend", lance-t-elle avant d’ajouter: "Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les reporters de guerre ont tous peur. Mais ils arrivent à la surmonter. Ils ont aussi en commun le sens de la mission et le besoin d’adrénaline."
La lecture du récit a remué plusieurs intervenants, dont Céline Galipeau: "Elle m’a dit avoir beaucoup pleuré. Elle a pris conscience de ce que ses proches avaient pu ressentir", explique l’écrivaine.
Chez Laurin, le processus d’écriture a provoqué un cheminement intérieur: "Si mon chum devait repartir, j’aurais encore peur, mais je ne suis plus dans la colère. J’ai compris que leur présence sur le terrain est fondamentale. Si tu n’as pas vu les choses, tu ne peux pas les rapporter", conclut celle qui prépare actuellement un livre sur… Renée Martel! Polyvalente, Danielle Laurin.
Promets-moi que tu reviendras vivant – Ces reporters qui vont à la guerre
de Danielle Laurin
Éd. Libre Expression, 2010, 200 p.