Salon du livre / Michel Folco : Les souffrances du jeune Hitler
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Salon du livre / Michel Folco : Les souffrances du jeune Hitler

Dans La Jeunesse mélancolique et très désabusée d’Adolf Hitler, Michel Folco revient sur l’enfance d’un dictateur en devenir… et s’attaque aux zones d’ombre et aux flous laissés par l’Histoire.

Rigide et résolu, apitoyé sur lui-même, peu empathique, frustré, d’une éloquence pompeuse, cultivant une haute estime de lui-même, surprotégé par sa mère et sévèrement corrigé par un père bien plus fascinant que lui, voilà le jeune Adi, "notre dernier loup-garou moderne, car pire n’est pas disponible encore", dit Michel Folco, portraitiste d’Adolf Hitler rencontré dans un café quelques jours avant l’ouverture officielle du Salon du livre de Montréal.

Un peu comme Louis Hamelin dans La Constellation du Lynx, l’architecte de la saga des Tricotin a eu envie de s’attaquer à un tel personnage pour éclairer les zones d’ombre. "J’ai vu qu’il y avait un trou historique. Beaucoup de choses ont été écrites sur l’enfance d’Adolf Hilter, mais peu sont sérieuses, à part un bouquin de Bradley Smith non traduit et, pour comprendre l’époque, La Vienne d’Hitler – Les années d’apprentissage d’un dictateur de Brigitte Hamann, deux bonnes sources pour moi."

Où s’arrête l’auteur quand il fond Histoire et histoire? Fait-il preuve d’éthique et de pudeur lorsque vient le temps de combler les trous avec sa propre imagination? "Non. Si ça marche, ça marche; je n’ai pas d’états d’âme. Par contre, j’essaie d’être plausible. En lisant le livre, personne ne peut savoir si c’est vrai ou pas; on se dit que ça a pu arriver. Par exemple, à partir de ses rapports troubles (et connus) aux filles, j’ai affligé Hitler de phimosis (une affection qui empêche le gland de se décalotter)."

À la lecture de La Jeunesse mélancolique et très désabusée d’Adolf Hitler – un titre d’abord refusé par l’éditeur, qui annonce bien le programme du livre -, on apprend que le dictateur dont il est question ici n’a pas grandi dans une famille plus antisémite qu’une autre. On parcourt les pages un peu comme on revoit ces films se terminant sur un dénouement retentissant qui renverse toute l’histoire. Ainsi, le bouquin est déjà chargé d’un sens qui le dépasse. Quand Adolf Hitler (refusé deux fois à l’école des beaux-arts de Vienne) insiste pour se présenter comme artiste-peintre, qu’il part à la chasse aux punaises ou qu’on découvre ses origines bâtardes, la souche de son nom et son orthographe bâclée, un deuxième degré apparaît, teinte ce qui pourrait, si ce n’était pas d’Hitler dont il est question, passer pour une enfance somme toute relativement anodine: "C’est un peu ça le propos: montrer que d’une banalité pareille a pu sortir Adolf."

À la lumière de l’Histoire à venir, voyant qu’Hitler a déjà été indigent et nécessiteux, on se surprend d’un tel manque d’empathie à l’égard de ses semblables. Un personnage plus difficile à aimer que les autres? "Non, répond Folco sans hésiter. Dieu, Napoléon et Hitler sont mes trois souffre-douleur. Mon prochain livre commence le 4 août 1914 et couvre toute la guerre de 14-18. Je n’en ai pas fini avec Hitler, il est de la famille, maintenant. Dans ma tête, c’est un Tricotin."

La Jeunesse mélancolique et très désabusée d’Adolf Hitler
de Michel Folco
Éd. Stock, 2010, 350 p.

La Jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
La Jeunesse mélancolique et très désabusée d’Adolf Hitler
Michel Folco
Stock