Luc Mercure : Le Roy de Mercure
Cette année exceptionnellement, ce n’est pas Dany Laferrière qui nous a offert le titre de roman le plus original, non, la palme va plutôt à Luc Mercure pour La faute de Roy Dupuis.
Le titre accroche, les premières pages aussi. Dans un sous-sol d’une bourgade française nommée Montbrison-sur-Lez, les gendarmes tombent sur une scène étrange: un homme encore vivant mais en état de choc est enfermé dans une cage à côté de laquelle gît un autre homme. Hans Peter Hammel a été terrassé par un "arrêt cardiaque fulgurant" auquel Louis a dû assister sans pouvoir l’aider – à supposer qu’on puisse avoir envie de porter assistance à son bourreau autrement que pour prendre la poudre d’escampette.
Mais Hammel était-il ce bourreau présumé? Que s’est-il réellement passé entre les deux hommes? La soeur de Louis tentera de le savoir en rendant visite tous les jours à son frère psychiatrisé et surtout en lisant ce long texte écrit par Louis et dont le manuscrit a été retrouvé dans la cage.
Or ce récit, qui constitue la part la plus consistante du roman, se présente comme l’histoire de plusieurs personnes rencontrées par l’intermédiaire d’un site d’enchères sur le Net, toutes plus extravagantes les unes que les autres, dont les collectionneuses d’articles se rapportant à Roy Dupuis ne sont pas les moindres. Apparaissent aussi, dans le désordre, un producteur de foie gras exilé à Saigon, un danseur de ballet allemand, une francophile néo-zélandaise ainsi que Stéphane Archambault, Mark Tewksbury et Rufus Wainwright.
Le manuscrit se fait le miroir de la psyché déroutante du narrateur, par lequel les personnages se dédoublent et les situations se répondent. Comme l’art, il "n’est pas une reproduction, mais une représentation du monde, et il joue nécessairement, même lorsqu’il emprunte les artifices de l’authenticité, sur l’illusion". Et la reine des illusions, en l’occurrence, est celle qui consiste à se croire sain d’esprit alors qu’en chaque être humain se trouve une faille plus ou moins béante. Rien ni personne n’est, à proprement parler, normal. "Les vies les plus banales sont faites d’une multitude d’événements exceptionnels: tout dépend de la façon dont on les raconte – on pourrait faire de ma vie le roman le plus abracadabrant." Peut-être même un peu trop abracadabrant, avec ces pistes en tous sens et ces destins tirés par les cheveux. Mais somme toute, une lecture aussi originale que le titre le laisse croire.
La faute de Roy Dupuis
de Luc Mercure
Éd. Leméac, 2010, 293 p.