Michèle Plomer : Le choc du retour
Avec Porcelaine, Michèle Plomer entame sa trilogie Dragonville, une passionnante odyssée à la fois lyrique et fantastique. L’imaginaire chinois accoste sur les berges du Memphrémagog.
Pour faire faux bond à son habitude, Michèle Plomer ne s’est pas rendue enseigner en Chine au cours de la dernière année. Bien enracinée dans ses Cantons-de-l’Est, elle s’est consacrée à l’écriture du successeur d’HKPQ. Publiée en 2009, cette histoire contemporaine se déroulant dans les rues de Hong Kong fut un succès critique et public, couronné de plusieurs distinctions, dont le Prix littéraire France-Québec 2010. "Tout le mois de mars, je serai en tournée en France; je m’en vais rencontrer des lecteurs, s’enthousiasme Plomer. HKPQ me donne une possibilité de dialogue à l’extérieur du Québec, et comme le hasard fait bien les choses, j’aurai un nouveau roman dans mes valises."
Au départ, il ne devait y avoir que Dragonville. "J’étais partie pour faire un seul livre, mais après sept ou huit mois d’écriture, c’était devenu trop gros dans ma tête; trop d’intrigues à développer." La trilogie s’est donc imposée. Après avoir reçu le OK de sa maison d’édition, la Magogoise a pu finaliser Porcelaine, premier tome de cette grande épopée qui s’échelonne sur un siècle. En fait, le roman se partage entre deux trames. En 1910, une histoire d’amour entre une femme-dragon et le plus bel homme de Hong Kong s’entremêle à une enquête policière, alors qu’en 2010, Sylvie, une passionnée de l’Orient, fait d’étonnantes découvertes dans son local de la rue Principale à Magog. "Sylvie est tournée vers le passé, précise l’auteure. Elle remarque les vieilles choses, ce qui est abandonné. Elle a un petit côté Old English même si elle est de son temps."
Tout comme dans HKPQ, c’est une femme solitaire et indépendante que nous présente Michèle Plomer, un personnage dont le coeur balance entre l’Estrie et la Chine. "Ce n’est pas conscient. Il n’y a pas de grand plan, mais c’est ma mappemonde à moi. Ce sont des choses que je n’avais pas exorcisées avec mes premiers livres. HKPQ parlait du départ; c’était le choc de l’autre. Puis dans ma réalité, il y a eu le choc du retour. Dragonville, c’est ça."
L’idée de départ de cette trilogie: une buanderie chinoise établie à Magog dans les années 50. "J’avais acheté un petit livre à mon chum, Magog d’hier et d’aujourd’hui. C’est finalement moi qui l’ai consulté et je suis tombée sur une coupure de journal des années 50 avec la mention de l’expropriation de trois commerces: un barbier, une binerie… et la buanderie C. Lee Brothers. De là est venue l’idée d’installer quelqu’un dans ce vieux local, et pour commencer à faire des liens, j’ai opté pour une boutique d’antiquités chinoises."
DANS LE VENTRE DES DRAGONS
Le plus surprenant de ce troisième roman de Michèle Plomer est la présence fantastique d’un dragon oriental qui aime prendre les attributs de la femme la plus puissante de Hong Kong. "Je ne sais pas ce qui s’est passé. C’est comme si j’avais écrit ça dans un songe pour me rendre compte que j’en avais le goût. Avec Dragonville, je voulais parler de dragons, d’opium, d’hommes avec des nattes dans le dos… Être dans le gros cliché de Tintin et le Lotus bleu, mais amener ça tranquillement dans un univers contemporain. L’imaginaire et le légendaire, quand tu es dans un pays communiste où on a anéanti ton histoire et ta religion, tu te rattaches à ça. C’est vrai pour les Chinois."
Memphré, le mythique monstre du lac Memphrémagog, ne jouit pas de la même crédibilité, mais il rôde dans les pages de Porcelaine, tout comme celui du Loch Ness en Écosse. "Sylvie ayant une famille d’origine écossaise, des liens vont se faire. Dans le premier tome, on met tout ça en place. Ensuite, ça va prendre de l’ampleur." Tous aux abris. Un tsunami est à prévoir.
Porcelaine. Dragonville (tome 1)
de Michèle Plomer
Marchand de feuilles, 2011, 320 p.
En magasin le 19 février.
À lire si vous aimez /
HKPQ, Ru de Kim Thuy, Le Lotus bleu d’Hergé