Lynda Dion : Un été sans point ni virgule
Lynda Dion signe un premier roman, La dévorante, autour de la quête amoureuse à 50 ans, diront les uns, autour de la quête amoureuse tout court, diront les autres.
À l’orée de l’été, rue de Vimy à Sherbrooke, une femme – une prof – cherche à donner un sens à ses vacances, entre les visites de sa fille qui vole de ses propres ailes depuis peu et la présence spectrale d’un chambreur. Ce qu’elle voudrait par-dessus tout: "quelqu’un avec qui tomber en amour juste à temps pour profiter de la belle saison à deux faire des promenades en vélo passer les week-ends à Québec et les après-midi au lac Fraser".
À l’orée de l’été 2009 à Sherbrooke, Lynda Dion prenait son souffle et plongeait dans l’écriture emportée de ce qui deviendrait ce premier roman. "Une voix est montée. J’étais dans une urgence, se rappelle-t-elle. Je ronge mon frein depuis tellement d’années, j’ai tout essayé en écriture. À un moment donné, j’ai décidé que j’allais faire ce que j’avais envie de faire. Cette logorrhée vient probablement du fait que je me suis retenue trop longtemps."
Incursion dans une psyché féminine tiraillée, La dévorante est traversée par deux lignes de force: celle de la féministe, lectrice de Nicole Brossard et de Louky Bersianik qui, à 50 ans, veut plus que jamais connaître un bonheur d’indépendance, sans attendre l’autre, et celle d’une amoureuse insatiable qui, à 50 ans, ne peut toujours pas se résoudre à renoncer aux hommes.
Mais où trouver celui qui apaisera ce désir qui la consume? Sur les sites de rencontre ou jusqu’à Cuba, puisqu’il le faut. "Au départ, je pensais que c’était un roman sur la quête amoureuse quand on a dépassé la quarantaine", confie Dion. Heureusement pour l’auteure, l’égarement affectif n’est pas l’apanage de sa génération. "On l’a fait lire à des jeunes femmes autour la maison d’édition et elles s’y sont retrouvées. C’est plus compliqué en 2011 d’être amoureux qu’en 1960 ou en 1980. L’amour est jetable. On est extrêmement exigeant par rapport à l’autre et dès qu’on n’est pas satisfait, on jette, moi la première."
ÉCRITURE CUBISTE
Composé de courts fragments, La dévorante est peint par touches successives, sans point ni virgule. L’auteure tient les muses responsables de ce choix qui ne pose pas, selon elle, obstacle à la lisibilité. "Il y a une ponctuation, mais elle n’est pas apparente. C’est comme en poésie, elle est implicite. J’aime beaucoup la peinture cubiste et je pense que mon travail y ressemble. Ce sont des morceaux éclatés, éparpillés, qui finissent par composer l’oeuvre."
Le roman ne saisit pas d’ailleurs qu’à cause de son style. Le corps féminin s’y dénude et est exposé comme il l’est rarement, crûment, sans apprêt, dans tous ses états (blessé, vieillissant, désirant). L’auteure et son double qui, au quotidien, enseigne à des ados n’en conçoivent aucune gêne. "Je ne trouve pas ça impudique du tout. Le corps, c’est le corps!" s’exclame-t-elle, comme pour dire qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. "Si les gens sont mal à l’aise, tant pis pour eux autres."
La dévorante
de Lynda Dion
Éd. du Septentrion, 2011, 230 p.