Dominique Robert : Espace exploratoire
Avec l’éclaté Chambre d’amis, Dominique Robert aborde le roman comme une mosaïque photographique au moyen d’une recherche esthétique à forte résonance philosophique.
Chambre d’amis plonge le lecteur dans un univers d’une étonnante densité. Ses quelques personnages forment une cohorte éparse évoluant dans un Montréal auquel Dominique Robert a injecté une forte dose de mélancolie. Le bar Night, que fréquentent périodiquement les protagonistes, incarne l’archétype de la discothèque lugubre. À ce sujet, l’auteure affirme: "Dans les bars, souvent glauques, les apparences sont alléchantes, mais l’ivresse, qu’elle soit causée par la drogue, l’alcool ou les médicaments, est très présente. Le roman me permet d’ancrer ce sujet dans le terrain de la philosophie."
Profondément attachée à sa ville d’adoption, Dominique Robert, originaire de l’Outaouais, déplore la phase de gentrification que traverse la métropole. "Je constate avec tristesse le changement qui affecte Montréal depuis le début de la précédente décennie", confie-t-elle. Dans la même logique, la photo ornant la couverture de Chambre d’amis, la splendide View of Splitting du photographe Gordon Matta-Clark, exemplifie un désir de voir jaillir la lumière d’un environnement social morcelé, voire désincarné par des pressions socioéconomiques.
Par une étude approfondie des personnages qu’elle met en scène, une exploration autant psychologique que corporelle, Dominique Robert critique la fragmentation inhérente à un capitalisme libéral en quelque sorte issu du culte de la raison lancé par les Lumières. L’auteure a choisi d’ancrer son approche dans une structure cohérente, citant au passage un impératif dicté par Gilles Deleuze: "Nous demandons seulement un peu d’ordre pour nous protéger du chaos."
Paru chez Les Herbes rouges, catalyseur de l’exploration stylistique dans la littérature québécoise, Chambre d’amis témoigne de la passion de son auteure pour le roman, dont elle croit la richesse sous-estimée. "Le roman a été un lieu de réflexion depuis qu’il existe. J’ai l’humilité et le désir de participer à cette aventure", affirme-t-elle avant d’ajouter: "Il s’agit d’un projet d’écriture basé sur une recherche esthétique formelle. Dans cette optique, je suis typiquement "herbes-rougiste"." Contemporaine et perspicace, aurait-on envie d’ajouter.
Chambre d’amis
de Dominique Robert
Éd. Les herbes rouges, 2011, 158 p.
Dédicaces au Salon du livre:
26 février dès18h
27 février dès13h30
À lire si vous aimez /
Une chambre à soi de Virginia Woolf, Prochain épisode d’Hubert Aquin