Mélanie Vincelette : Petites géographies nordiques
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Mélanie Vincelette : Petites géographies nordiques

Mélanie Vincelette a entendu l’appel du Nord. Elle nous revient avec Polynie, un roman qui nous fait presque retomber en amour avec l’hiver, le froid et la neige. Coup d’oeil sur une décennie d’écriture et d’édition.

Dix ans ont passé depuis que Mélanie Vincelette a fondé les éditions Marchand de feuilles, dont la première oeuvre publiée fut son premier recueil de nouvelles (Petites géographies orientales). C’est elle qui nous a fait découvrir les Suzanne Myre, Éric Dupont, William S. Messier. Elle qui a publié le dernier Maxime-Olivier Moutier et un troublant conte pour enfants signé Nelly Arcan.

Si la fondatrice et directrice générale de Marchand de feuilles a fait beaucoup de chemin comme éditrice, ce ne fut jamais au détriment d’un parcours d’écrivain maintes fois célébré (prix Anne-Hébert, prix littéraire Radio-Canada catégorie récit, Prix du jeune écrivain francophone, prix TD), qui force le respect. Paraît ces jours-ci son quatrième livre, intitulé Polynie – qui signifie "trou éternel dans la glace" -, chez l’éditeur français Robert Laffont, un roman qui pointe vers le nord.

"On est toujours en train de décrire ce qu’il y a de fantastique ailleurs. Je me suis dit qu’il était temps d’investir notre Nord avec autant d’amour. Ça a peu à voir avec Agaguk; j’emploie un ton que j’utiliserais pour décrire Paris ou New York. Dans notre histoire, on a souvent renié cet héritage. On a voulu être urbain, mais on a cette culture – qu’on connaît mal parce que notre pays est si vaste. Notre géographie parle de notre histoire et il faut essayer de la comprendre. Là-haut, il y a des mines de saphir, des lacs pas encore nommés… Toute la magie que contient ce territoire, c’est inépuisable!"

Au bout de cette ascension vers le nord apparaît un roman dont on retient d’abord et avant tout l’écriture, japonisante, vive, érudite, portée par l’acuité du regard et une vraie voix d’écrivain. L’histoire est chargée, solide; il y a beaucoup de désir dans Polynie, un mort et une petite couleur polar métaphysique qui évoque Smilla et l’amour de la neige du Danois Peter Høeg, une carte troublante qui laisse croire que des Chinois – plutôt que Christophe Colomb – auraient découvert l’Amérique, le lien qui unit deux frères, la constitution d’une intrigante gastronomie nordique et la chronique de la vie au coeur d’une mine du Grand Nord.

Mais où Vincelette est-elle allée pêcher tout ça? "La mine est en moi, ça fait partie de ma famille; mon oncle, mon frère et ma cousine y ont travaillé. Ils m’ont transmis des histoires qui ont nourri mon roman. Quant à la gastronomie du terroir nordique, je me suis inspirée du restaurant Noma au Danemark, un endroit réputé qui cuisine à partir d’éléments du terroir local. J’ai voulu faire la même chose avec notre propre territoire, et comme mon personnage est cuisinier, le contexte s’y prêtait." Au menu: steak de narval, filets de capelans en colère et glace à la fleur de lait. Évitez le foie d’ours polaire aux vesses-de-loup.

En jetant un regard sur dix années d’écriture, quel bilan dresse l’auteure? "C’est une mue lente, un mouvement vers l’extérieur." Et l’éditrice? "J’ai arrêté l’enseignement, je me consacre désormais complètement à l’édition. D’une certaine manière, c’est un sacerdoce, ce qui rend ma vie acceptable. Je fonce aveuglément."

Polynie
de Mélanie Vincelette
Éd. Robert Laffont, 2011, 209 p.

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