Pascal Girard : Les aventures du pauvre Pascal
Il est pudique, Pascal Girard, n’empêche: son dernier album est publié en France, sous l’égide du pape de la BD Lewis Trondheim. De Jimmy et le Bigfoot à Conventum, ou comment grandir sans perdre la foi (et la face).
Son blogue a beau s’appeler Paresse, Pascal Girard ne chôme pas. À peine son Jimmy a-t-il résolu l’énigme du Bigfoot et survécu du même coup aux turpitudes de l’adolescence que l’auteur nous ramène une fois encore en terre inhospitalière. Dans son nouvel album, Conventum, une réunion d’anciens élèves devient le théâtre des angoisses d’un jeune adulte pas franchement en paix avec les affres du secondaire. "J’avais envie de faire un livre avec juste des malaises", lance l’auteur depuis Angoulême, où il travaille en résidence. Pari réussi: on rit jaune, beaucoup.
De l’autofiction, précise-t-il à plusieurs reprises, histoire de bien s’assurer qu’on a compris: "Ce personnage, ce n’est pas moi, ou alors c’est moi il y a longtemps. Oui, j’ai perdu du poids, et je suis allé à une réunion de ce genre. Non, je n’ai pas développé d’obsession pour une ancienne camarade de classe." On respire, mais quand même: le personnage principal, antihéros par excellence, a quelques accointances avec Girard, à commencer par le prénom, la profession, et, avoue-t-il, un sérieux problème lorsqu’il s’agit de prêter aux autres ses stylos préférés.
Plus de décors et de corps
Révélé par Jimmy Beaulieu qui lui a conseillé de se lancer alors qu’il étudiait au bac en cinéma, Pascal Girard a grandi avec ses livres. Pas au point de se distancier tout à fait de ses premières amours, Sempé en tête. Une référence "hyper gênante", dixit l’intéressé, qui concède une admiration immense pour le classique, tout comme pour Schulz. "Depuis, j’ai tenté de m’extirper de ces influences." Conventum sonne comme un ouvrage charnière: plus de décors et plus de "corps". Nouvelle liberté et nouveau pensum: "Je n’entretenais pas de réflexion sur le dessin avant. Depuis deux ans et le début de mes carnets, je me questionne plus."
Et les occasions de réfléchir ne manquent pas: l’auteur planche sur la traduction de trois de ses livres pour Drawn & Quarterly et sur un ouvrage à deux mains avec Jimmy Beaulieu. Des influences nouvelles, on tentera Riad Sattouf et Lewis Trondheim, dans le traitement et le ton très porté sur l’autodérision: dans Conventum, on transpire beaucoup. Contrit, le Pascal de l’histoire ne brille pas par le courage: "Certains lecteurs le détestent", va jusqu’à dire l’auteur, qui cite la série Curb Your Enthusiasm comme "déclencheur". Pas de quoi faire le beau, répond-il lorsqu’on lui demande si la BD est un bon outil de drague: "Conventum n’est pas un livre très charmant", avant d’ajouter, quand même: "Oui, ça marche parfois. J’ai dessiné celle qui allait devenir ma copine pendant Les 48 heures de la BD, ça l’a un peu charmée."
Conventum
de Pascal Girard
Éd. Delcourt, coll. "Shampooing", 2011, 155 p.
Pascal Girard en quelques dates
"Pascal Girard est né à Jonquière en 1981. Il aime le dessin et la course à pied. Il est amoureux", dixit la bio de l’auteur sur son blogue. Après un bac en cinéma, il s’est dirigé vers la BD et a signé depuis 2006 cinq ouvrages: Dans un cruchon (Mg, 2006), Nicolas (Mg, 2006), Paresse (La Pastèque, 2008), Jimmy et le Bigfoot (La Pastèque, 2010) et Conventum (Delcourt/Shampooing, 2011). Son blogue: www.paresse.ca.