Ariane Gélinas : Contrées nordiques
Avec L’enfant sans visage, Ariane Gélinas tisse un récit imaginaire autour d’un bébé dépourvu d’yeux, de nez et de bouche.
Dans un futur hypothétique, où seul le Groenland a été épargné par la guerre bactériologique, Henrik et sa famille mettent un trait sur leur vie à Sermitsiaq, un hameau dans les montagnes. Ils ont tout vendu pour offrir une chirurgie à Niels, le plus jeune de la maisonnée, né sans visage. Bientôt, la capitale du pays deviendra leur nouvelle terre d’accueil. Or, ils sont loin de se douter de la tournure dramatique que prendra le périple…
À la fois intrigante et inquiétante, la novella L’enfant sans visage se déroule dans un univers fictif. Des points de repère bien réels le ponctuent cependant. "J’ai eu un grand souci que le décor soit le plus vraisemblable possible par rapport au Groenland, aux descendants danois et inuits qui s’y trouvent", soutient l’auteure Ariane Gélinas. "J’ai repris dans le livre certaines coutumes inuits particulières. Je pense entre autres au chamanisme. Mais le cadre est une grande part d’imaginaire. On n’a qu’à penser aux emplois des deux personnages principaux, qui sont improbables." Le jeune Henrik bosse en effet comme "paysageur", un métier qui lui permet de modifier les paysages à sa guise. Sa soeur Camilla, quant à elle, gagne sa vie comme éleveuse d’"amalgames", des créatures invraisemblables qui pourraient ressembler à des boeufs musqués.
Toujours à la recherche du mot juste, la Trifluvienne évoque avec finesse des images réelles du Groenland. Tellement qu’on a parfois l’impression qu’elle y a séjourné sur une longue période. Est-ce le cas? "Je ne suis pas encore allée au Groenland. Je dis "pas encore", parce que c’est un projet qui m’intéresse depuis un bon bout de temps. Évidemment, je me suis énormément documentée pour écrire ce livre-là. J’ai regardé beaucoup d’images de voyageurs. J’ai lu des témoignages d’explorateurs du Grand Nord. C’est d’ailleurs fascinant tout ce qui a été écrit sur le sujet!" commente celle qui admet avoir dévoré l’oeuvre de l’écrivain danois Jorn Riel (La maison de mes pères, La vierge froide et autres racontars).
LISSE COMME LA GLACE
Et l’idée de ce bébé dépourvu de traits, est-elle étrangère aux récentes avancées dans le domaine de la greffe de visage? "C’est sûr que ça m’a servi dans mes recherches. J’ai lu sur les greffes de visage en me disant que, dans un futur éloigné, ça allait devenir plus courant et qu’il allait y avoir plus de chances de succès. Car pour le moment, ce sont des succès un peu partiels: on ne retrouve pas les expressions du visage à 100 % par la suite."
"En fait, L’enfant sans visage, c’est la réécriture d’une de mes anciennes nouvelles qui a été étoffée. Cette nouvelle n’avait pas été publiée puisque je trouvais qu’il manquait quelque chose à l’enfant sans visage. Celui-ci me hantant toujours, j’ai souhaité le reprendre dans quelque chose de plus long. Avec le livre, je suis parvenue à cerner plus le personnage, qui est une sorte de bête habitée entre autres par le Groenland", conclut Ariane Gélinas, en évitant de trop en dévoiler.
L’enfant sans visage
d’Ariane Gélinas
XYZ éditeur, coll. Kompak, 2011, 153 p.
À lire si vous aimez /
Le Nord, les novellas, Jorn Riel