Jean-Paul Eid : L’histoire sans fond
Jérôme Bigras et sa fidèle tondeuse Rex reprennent du service! Le bédéiste québécois Jean-Paul Eid redonne vie à son bedonnant banlieusard le temps d’une aventure inédite, publiée aux éditions La Pastèque. Destination: Le fond du trou.
"Je voulais partir du principe du voyage dans le temps. Après plusieurs recherches, j’ai eu l’idée de faire un trou dans l’histoire, à partir duquel les personnages pourraient se déplacer vers le passé ou le futur", raconte Jean-Paul Eid. Et il a poussé l’idée jusqu’au bout: un trou traverse littéralement la bande dessinée. Chaque planche se retrouve donc perforée en son centre par une cavité d’un pouce et quart de diamètre. Jérôme Bigras doit regarder où il met les pieds, mais les lecteurs qui connaissent le maladroit personnage anticipent ses mésaventures.
Le bédéiste repousse ainsi les limites de l’audace narrative. "Ça représente tout un défi! Par exemple, ça me donne un nombre de cases limité pour préparer la rencontre avec le prochain trou. Le découpage doit donc être très serré. En plus, si un personnage retourne dans les pages précédentes, je dois m’assurer qu’il y soit déjà", explique celui qui prenait déjà plaisir à jouer avec les conventions du neuvième art dans les pages de la revue Croc.
"C’était un projet vraiment difficile à vendre. La particularité de l’humour, c’est que ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas. Ça ne peut pas être drôle à moitié. Les gens de La Pastèque ont vu les premières planches et ils m’ont fait confiance." Pour Jean-Paul Eid, le défi était d’autant plus grand que, pour la première fois, son personnage devait tenir la cadence pendant 46 pages. "Je pense que c’est de loin mon projet le plus abouti", confie-t-il.
Pourquoi ne pas avoir choisi un personnage complètement différent pour cette grande aventure? "La convention narrative du Fond du trou s’annonçait très complexe. C’était donc plus rassurant de partir d’un univers familier, celui de Jérôme Bigras."
Jean-Paul Eid a donc renoué avec le personnage qu’il avait créé pour la revue Croc, en 1985, alors qu’il n’avait que 19 ans. "Jérôme Bigras, c’est un péché de jeunesse qui a poussé", convient-il. Pourtant, le célèbre résidant de Bungalopolis n’a pas pris une ride et a toujours la fougue de ses jeunes années. "J’ai eu l’impression de reprendre mes vieilles pantoufles… À la différence qu’en 1985, je faisais les fonds à la main et qu’aujourd’hui, je les travaille à l’ordinateur."
Éprouve-t-il de la nostalgie à l’évocation de la revue qui a publié son dernier numéro en 1995? "À l’époque, c’était pratiquement impossible de faire de la bande dessinée au Québec. Croc a vraiment donné naissance à la première génération d’auteurs professionnels, se remémore-t-il. La revue a lancé une quantité impressionnante de carrières." Il pense entre autres au duo composé des bédéistes Réal Godbout et Pierre Fournier, mais aussi à plusieurs humoristes comme ceux de Rock et Belles Oreilles, des Zapartistes et des Cyniques.
Programmation complète du Festival de la BD francophone de Québec au www.fbdfq.com
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