Éric-Emmanuel Schmitt : Pour le meilleur
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Éric-Emmanuel Schmitt : Pour le meilleur

Éric-Emmanuel Schmitt lutte contre le cynisme, mais pas tout seul. En Ludwig van Beethoven, il a trouvé un allié de taille. Et il compte bien vaincre la tristesse puis conquérir sa joie.

Jeune, alors qu’il interprète l’ouverture de Corolian au piano avec son professeur, Mme Vo Than Loc, Éric-Emmanuel Schmitt l’entend dire cette phrase: "Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent!" Quelques décennies plus tard, cette affirmation est revenue le hanter pour devenir le titre d’un nouvel essai (accompagné d’un récit intitulé Kiki van Beethoven) portant sur le compositeur allemand.

Après Mozart – on se souviendra du livre Ma vie avec Mozart déjà paru -, Beethoven s’est imposé pour diverses raisons. Outre l’intention de vulgariser la musique classique et de réaffirmer son importance, il y a tout d’abord cette réconciliation personnelle entreprise par l’écrivain avec l’oeuvre du compositeur de la Neuvième symphonie et de L’ode à la joie. "À 20 ans, je m’appliquais à devenir un philosophe sérieux, un intellectuel, se rappelle-t-il. Plus de place pour le romantisme, terminé Beethoven… À cause de cette crise d’intellectualisme aigu, il est devenu le symbole de ce que je ne voulais plus. Et puis, heureusement, on le retrouve. Mon intention avec ce livre était de remettre la musique au coeur d’une expérience spirituelle."

Là ne s’arrête pas l’entreprise. Oui, quelques oeuvres (un disque accompagne le livre) du grand compositeur sont mises en contexte et ponctuent des moments clés de la vie de Schmitt. Mais dialoguer ainsi avec Beethoven l’a surtout amené à dénoncer le cynisme. Au point que l’auteur a créé un Credo de l’optimisme moderne pour conclure sa réflexion sur le musicien. "En Europe, tout est devenu sinistre. Les gens sont désabusés, cyniques. Il est normal d’affirmer que tout s’écroule… En musique, Beethoven nous dit qu’il faut non pas cultiver la tristesse, mais cultiver la joie. Le Credo de l’optimisme, ce n’est pas d’ignorer le malheur, mais d’agir. Autrement dit, il faut dépasser la simple analyse."

"J’ai lu une critique de théâtre dernièrement, ajoute-t-il. Un véritable cliché contemporain! Ça disait: "Ce texte, d’une noirceur réjouissante…", voilà une phrase qui résume bien la société d’aujourd’hui. On accorde une prime au cynisme. Au contraire, j’aimerais qu’on parle d’une lumière réjouissante! (…) Beethoven est l’un des premiers à dire adieu à Dieu. Il a écrit de la musique, non pas pour célébrer Dieu et l’implorer, mais pour célébrer l’Homme. Il cherche le Grand dans les petits êtres que nous sommes. Et il trouve toujours! Moi, il me relève le front, il me donne du courage. Beethoven fait l’apologie de la joie et, à notre époque, c’est très important."

Plus d’une fois, Schmitt a récolté quelques critiques qui ont fait état du "bon sentiment" qui teinte son oeuvre. Un constat qui le fait encore rire, et qui lui rappelle une boutade d’André Gide: "Les bons sentiments fabriquent de la mauvaise littérature", devenue un credo pour certains. "On a déjà écrit: "Ce Schmitt… et ses bons sentiments." Eh bien oui, une chance! J’ai donc une morale! Mais aujourd’hui, un cynique a l’air plus intelligent qu’un non-cynique. Malheureusement, cette citation de Gide a été prise au sérieux par beaucoup de gens: des imbéciles." ?

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent…
D’Éric-Emmanuel Schmitt
Éd. Albin Michel, 2011, 184 p.

Programmation complète du Salon international du livre de Québec au www.silq.ca

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent...
Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent…
Eric-Emmanuel Schmitt
Albin Michel