Bertrand Dicale : Joyeuse érudition?
Dans son nouvel essai, le journaliste Bertrand Dicale se casse la tête pour éclairer différemment l’oeuvre de Georges Brassens et il y parvient quelquefois.
Depuis quelques années, la collection Pop Culture de Flammarion offre des ouvrages de fort bonne tenue sur la chanson française. Ceux-ci scrutent une oeuvre avant tout (Daho, Gainsbourg, Miossec) en s’appuyant parfois sur des éléments biographiques. Il ne s’agit pas à proprement parler de biographies – pour ça, il existe d’autres parutions.
Le Brassens? de Bertrand Dicale ne s’attarde pas non plus à raconter la vie du chanteur, mais analyse ses chansons à travers textes, musiques et interprétation. Pourquoi n’accompagnait-il ses chansons que de guitare-contrebasse? Pourquoi chantait-il de cette manière? La première partie de l’essai est prodigieuse, impossible à lâcher. Spécialiste des musiques populaires et de la chanson française, Dicale se lance dans un exercice d’érudition époustouflant qui laissera sans voix les amateurs à la fois de l’artiste à la pipe et de l’art qu’il pratiquait.
Plutôt que de parler d’une énième filiation entre Brassens et François Villon, l’essayiste nous renvoie au 19e siècle avec le chansonnier Gustave Nadaud (dont le chanteur avait repris Le roi boiteux et Carcassonne) en mettant dos à dos leurs couplets. On étoffe également l’arbre généalogique artistique avec une branche consacrée au poète Paul Fort. Et encore une fois, le journaliste va plus loin que juste citer les poèmes de Fort que Brassens a interprétés (Le petit cheval, La marine, etc.).
Dicale a voulu écrire différemment sur le bon maître, quitte à choquer les brassensologues. Et c’est là que ça ne colle plus. Non pas parce qu’on critique Brassens – il n’a pas écrit que des chefs-d’oeuvre après tout. Mais parce que dans la seconde partie de l’ouvrage, l’exercice de déboulonnage de statue devient chasse aux sorcières. Pour analyser les idées et croyances (notamment religieuses) de l’artiste, on ne coupe pas les cheveux en quatre – ce qui demeure possible – mais en trente-six. On ne cherche plus à comprendre les chansons, mais à trouver des changements, des contradictions, des errances dans la tête du bonhomme mort il y a trente ans. Ce qui rend Brassens? à la fois essentiel et superflu, par ordre d’apparition.
Brassens?
de Bertrand Dicale
Éd. Flammarion, 2011, 279 p.