Charles Guilbert et Dgino Cantin lançaient l’automne dernier un livre intitulé Les bûcherons de l’impossible. Non, il ne s’agit pas d’un ouvrage sur la coupe du bois en période de sécheresse, mais bien d’un fertile projet de collaboration artistique. Se connaissant à peine, les deux artistes ont eu l’idée d’un échange autour de questions "en-bûches". Qui n’es-tu pas? Au réveil, penses-tu au début ou à la fin? D’où préfères-tu suer? Quelles sont les odeurs qui te rassurent? Voilà quelques-unes des interrogations, tantôt existentielles, tantôt rigolotes, qu’ils se sont posées. En guise de réponses, chacun devait proposer un dessin et un court texte. Cantin dessine à l’ordinateur et écrit avec la police Futura, tandis que Guilbert dessine à la main et utilise les caractères Novarese. Même si certains couples de pages semblent moins harmonieux, l’oeil prend rapidement l’habitude de ce rythme, de l’agencement des images et des mots. Comme ni les textes ni les dessins ne sont signés, et bien que l’on connaisse la manière de distinguer les auteurs, les idées finissent par doucement se mélanger; les expériences de l’un, les petites joies de l’autre, nos propres secrets… Les siens, les miens, les tiens, les leurs. L’on prend plaisir à partager des confidences, bouche muette, dans l’intimité d’un livre. C’est, à chaque réponse, une surprise à cueillir. Cueillir frénétiquement un bouquet d’indiscrétions, ou cueillir délicatement un secret, juste avant d’aller dormir. À la dernière question, "Crois-tu que nous gagnerions à nous connaître?", on peut lire ceci: "En apesanteur, dans cette irréductible méconnaissance de l’autre, c’est ainsi que je voulais te lire. L’indifférence n’a pourtant aucune part dans le détachement où s’inscrit notre dialogue. C’est notre exploit."

Les bûcherons de l’impossible
de Dgino Cantin et Charles Guilbert
Éd. Centre SAGAMIE, 2010, 120 p.

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Les livres d’art, les expériences esthétiques