Nicole Krauss : La grande maison
Le centre de gravité du roman a les formes massives d’un bureau en acajou, un monstre doté de 19 tiroirs auquel vont s’attacher, parfois jusqu’à en perdre la raison, ses propriétaires successifs. Plus grave que jamais, l’auteure de L’histoire de l’amour tisse un réseau de connexions entre des personnages qu’à l’origine tout sépare. Une écrivaine qui perdra ses repères une fois le meuble sorti de chez elle, un père et un fils emmurés dans leur silence respectif, un poète chilien, un antiquaire qui sillonne le monde tout en élevant, à distance, ses enfants d’une poigne de fer. Si le lecteur trouvera longuets certains segments de cette vaste entreprise, si Nicole Krauss nous contraint souvent, ici, d’ouvrir grand et longtemps les yeux sur le drame humain, son troisième roman (le deuxième traduit en français) fait preuve d’un souffle peu commun, qui donne la mesure d’une rare ambition littéraire et du talent nécessaire pour la poursuivre. Éd. du Boréal, 2011, 336 p.