Stanley Péan : La peau des autres
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Stanley Péan : La peau des autres

Inspiré par l’une de ses anciennes nouvelles, Stanley Péan transforme un mythe haïtien, celui du "bizango", en roman montréalais de haute voltige.

Lorsque Andréa Belviso se rend sur les lieux d’un incendie pour le compte de son journal, elle reste accrochée au cas bizarre d’une vieille dame délivrée des flammes par un homme en qui elle jure avoir reconnu son défunt mari. La journaliste au Quotidien de Montréal ne peut s’empêcher de relier l’événement à sa propre situation, elle qui a été sauvée de l’écroulement des tours du World Trade Center par le sosie d’un vieil oncle qui était loin de New York ce fameux 11 septembre 2001. Il n’en faudra pas plus à la jeune femme pour se mettre à enquêter sur d’autres manifestations de ce genre que lui fourniront des lecteurs après la publication de son article.

En Haïti, le terme "bizango" désigne un être surnaturel ayant la faculté de modifier son apparence au contact de la pensée de son interlocuteur. Or, celui mis en scène dans le dernier roman de Stanley Péan n’est ni plus ni moins qu’un véritable caméléon humain s’étant donné pour mission de porter secours à des infortunés à travers le continent. Lorsqu’il vient en aide à la prostituée Domino, que menace le bras droit du terrible Chill-O, le bizango se rend compte que la jeune femme est la première qu’il rencontre sur laquelle son pouvoir est sans effet. Prenant la fuite avec la belle Haïtienne pour échapper aux foudres de son proxénète, il en vient à s’interroger sur sa véritable nature, lui qui "absorbait dans son esprit les pensées, souvenirs et rêves des gens qui croisaient son chemin" et qui "ignorait ce qui dans le capharnaüm de sa mémoire lui appartenait et ce qui avait été emprunté".

L’écrivain ratisse large dans cette oeuvre où se retrouvent les motifs les plus divers: 11-Septembre, affaire Freddy Villanueva, séisme à Port-au-Prince, retour de Duvalier, "guerre du golf" de Kahnawake, surreprésentation des Noirs dans les prisons, recrutement de la mafia chez les décrocheurs scolaires… Il parvient pourtant à amalgamer le tout en une passionnante quête personnelle, celle d’un "héros maudit" carburant au malheur et au deuil d’autrui, quête qui évolue parallèlement aux enquêtes policière et journalistique menées par les autres protagonistes.

Beau roman, apparenté au thriller et qu’on dirait écrit avec un sourire en coin, Bizango oppose les univers si différents du vaudou haïtien, de la faune naïve du Plateau et du crime organisé, lesquels se côtoient sans toujours se rejoindre. Une mosaïque humaine typique du travail de Péan qui s’est fait désirer pendant plusieurs années dans le domaine du roman pour adultes.

Bizango
de Stanley Péan
Éd. Les Allusifs, 2011, 298 p.

Bizango
Bizango
Stanley Péan