Zoé Valdés : Sortie de l'enfer
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Zoé Valdés : Sortie de l’enfer

Renouant avec Yocandra, personnage emblématique de son oeuvre, Zoé Valdés se penche sur les années fertiles de son exil parisien.

Persona non grata la plus célèbre de Cuba, Zoé Valdés s’est installée en France en 1995 après la parution du Néant quotidien, son premier livre ouvertement hostile au régime castriste. Plusieurs ouvrages plus tard, l’écrivaine reprend son personnage (et alter ego) de Yocandra dans Le paradis du néant qu’elle consacre cette fois à ses années parisiennes. Roman de l’exil, donc, rendant notamment hommage à sa mère, femme d’une énergie débordante venue rejoindre sa fille à Paris pour y décéder rapidement d’un cancer et se retrouver au cimetière du Père-Lachaise…

Une quinzaine d’années défilent ainsi, d’un séjour où se développera son oeuvre littéraire et d’où Yocandra suivra à distance les événements de la guerre du Liban, le 11-Septembre, la maladie de Fidel Castro et l’élection d’un certain Barack Obama. Des deux côtés du monde, des idéalistes considèrent le président noir comme celui qui saura réconcilier l’Amérique et Cuba, ce "pays enfoncé dans l’obscurité et dévoré par la peur", cette "île de merde […] où écouter une chanson des Beatles vous valait la prison", cette "île qui a créé l’Enfer".

Mais c’est dans la description pittoresque de la communauté cubaine de Paris que réside la principale curiosité du livre, communauté pour laquelle Yocandra éprouve un sentiment ambigu d’amour-haine. Logeant dans un ancien hôtel particulier du Marais, la narratrice se rend rapidement compte que son immeuble abrite toute une colonie d’expatriés, la majorité Cubains et artistes comme elle… Elle observera ainsi les traces laissées par des années de dictature chez ses compatriotes, ceux-ci ayant instinctivement reproduit en exil les "comités" qui leur permettent de connaître les secrets de chacun. Sans compter les véritables espions castristes infiltrés, comme il se doit, chez les immigrés: Yocandra fera à l’un d’eux des confidences qui mèneront directement en prison le Nihiliste, son amoureux resté à Cuba.

Entre les scandales de voisinage, le petit racisme quotidien, les cris et la promiscuité qui la font se sentir chez elle, "aussi mal léchée que n’importe quel d’entre eux", Zoé Valdés n’a presque rien à envier au "réalisme sale" d’un certain Pedro Juan Gutiérrez, contemporain resté au pays pour consacrer son oeuvre aux désoeuvrés de La Havane. C’est avec un langage souvent cru, qui réjouit le lecteur et qui rappelle celui de Gutiérrez, que la "balsera" (celle qui a quitté son île en radeau) tentera d’exister en suivant sa nouvelle devise: "Le meilleur pays où aller, c’est celui que j’ai inventé dans ma tête."

Le paradis du néant
de Zoé Valdés
Éd. JC Lattès, 2011, 330 p.

Le paradis du néant
Le paradis du néant
Zoé Valdés
JC Lattès